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Divergences et convergences (2)

Publié le par Christocentrix

La fin du Vllème siècle et le IXème siècle marquent, avec l'avènement des Carolingiens, une nouvelle étape dans l'éloignement réciproque des deux traditions. Charlemagne fonde un nouvel Empire, limité en fait à l'Occident, mais à prétentions universelles et rival de l'antique Empire romain dont la capitale était devenue Constantinople.

Cet Empire romain, « converti » depuis Constantin, était la continuation de celui d'Auguste. Sa législation s'était peu à peu imprégnée de valeurs chrétiennes, et les rapports entre l'autorité temporelle de l'Empereur et l'autorité spirituelle de la hiérarchie ecclésiastique s'équilibraient selon le principe de la « symphonie », chacun gardant sa consistance propre, sans absorption (sauf abus dénoncés comme tels) de l'une par l'autre.

Lorsque, le 25 décembre de l'an 800, le pape Léon III pose la couronne impériale sur la tête de Charlemagne et le constitue Empereur des Romains, dans une totale indépendance à l'égard de Byzance, ce n'est pas un empereur d'Occident, au sens théodosien, qu'il établit : partagé entre les fils de Théodose le Grand (après sa mort en 395) devenus l'un empereur d'Orient, l'autre empereur d'Occident, l'Empire gardait cependant son unité constitutionnelle, religieuse et culturelle. Il continuait à former une unique Romania. Par contre, l'Empire carolingien a, comme celui de Byzance, l'intention d'être l'unique et véritable Empire chrétien universel ; il entend, au fond, supplanter l'Empire de Byzance. Malgré le désaveu des papes de l'époque, la condamnation, par les théologiens francs, du VIIème Concile Oecuménique sur la vénération des images, et l'introduction du Filioque augustinien dans le Symbole de la Foi, concrétisaient cette volonté de rejet à l'égard de l'ancienne Romania, que l'on voulait faire passer pour hérétique.

En outre, dans ce nouvel Empire, les relations du spirituel et du temporel ne sont plus régies par le principe de la symphonie, mais par une vision issue d'une certaine lecture de la Cité de Dieu de saint Augustin. Le temporel perd sa consistance et est absorbé par le spirituel. Quand le pouvoir temporel prévaudra - comme ce sera le cas sous Charlemagne lui-même, sous la dynastie ottonienne, ou, dans une certaine mesure, dans la France gallicane -, cette conception conduira à un césaropapisme, à une  « théocratie royale » où l'empereur ou le roi gouverne l'Église aussi bien que l'État, qui ne font plus qu'un. Quand ce sera l'autorité spirituelle, et notamment la papauté, qui l'emportera, on verra poindre une théocratie pontificale où toute autorité, même temporelle sera soumise au Pontife romain. Le développement de l'anticléricalisme dans la société occidentale, durant l'époque moderne, viendra en partie d'une réaction contre cette situation, fruit de l'« augustinisme politique ».

L'attitude des églises orthodoxes, étrangères à la tradition augustinienne et soucieuses de pratiquer le respect et la soumission envers l'autorité temporelle, quelle qu'elle soit, en acceptant le martyre quand cette autorité se fait persécutrice, sera toujours difficilement comprise par la chrétienté occidentale, qui taxera facilement cette attitude de passivité, voire de servilité envers le pouvoir.


À partir du XIème siècle, les germes de division présents depuis le IVème siècle atteignent leur plein développement, et provoquent la scission de la chrétienté européenne.

À bien des égards, la fin du Xème siècle et le XIème marquent la naissance de l'Europe occidentale, avec son originalité culturelle et spirituelle. Sur le plan politique, les deux faits majeurs sont la création du Saint-Empire Romain Germanique, avec le couronnement d'Otton 1er le Grand en 962, et de la France capétienne, avec l'avènement de Hugues Capet en 987. On peut y voir comme une résurgence de l'Empire franc fondé par Charlemagne, avec ses deux composantes, la Francia occidentalis et la Francia orientalis.
Dans cette Europe occidentale en plein essor, la papauté va être amenée à jouer un rôle prépondérant. La plaie la plus grave de l'Église d'Occident à cette époque était l'intrusion des laïcs dans les nominations ecclésiastiques. Princes et seigneurs disposaient des charges ecclésiastiques en faveur des candidats de leur choix, réduisant l'Église à ne plus être qu'un des rouages de la société féodale. Il en résultait de nombreux maux : obtention de ces charges à prix d'argent, investiture de clercs indignes, etc. Un mouvement de réforme naquit dans l'Est de la France, et se développa grâce à l'Abbaye de Cluny qui venait, pour la première fois dans l'histoire du monachisme, de grouper ses filiales, réparties dans toute l'Europe, en un Ordre monastique fortement centralisé. Les réformateurs ne virent pas d'autre remède, pour libérer l'Église de l'emprise des pouvoirs laïcs, que de renforcer la puissance et le prestige de la papauté, en affirmant sa prépondérance sur le pouvoir temporel des rois et des empereurs. Les légats pontificaux qui, en 1054 déposèrent une bulle d'excommunication sur l'autel de Sainte-Sophie appartenaient au milieu des réformateurs.

Deux éléments donnèrent à leur geste, hâtif et inconsidéré, une portée qu'on ne pouvait alors apprécier. D'une part, les légats soulevaient la question du Filioque, désormais introduit à Rome dans le Symbole de la Foi ; or la chrétienté non-latine avait toujours ressenti cette addition comme contraire à la tradition apostolique. D'autre part, les «Romains» de Constantinople découvraient le dessein des réformateurs occidentaux d'étendre l'autorité absolue et directe du pape sur tous les évêques et les fidèles, même dans leur Empire. C'était une ecclésiologie totalement nouvelle pour eux, et ils ne pouvaient que la refuser, au nom de la fidélité à la Tradition de l'Église.

Aux XIIème et XIIIème siècles, la théologie scolastique, dont la méthode était profondément étrangère à l'esprit de l'Orthodoxie, systématise l'enseignement des points de doctrine qui séparaient déjà le Catholicisme romain de l'Orthodoxie. Les conciles de Lyon (1274) et de Florence (1439) en définiront plusieurs comme des dogmes de foi. En même temps, sur de nombreux points de la pratique ecclésiale, l'Occident s'éloigne encore de la tradition ancienne : abandon du baptême par immersion, suppression de la communion au Précieux Sang du Christ pour les laïcs, apparition de nouvelles formes de dévotion, mettant l'accent d'une façon un peu unilatérale sur la nature humaine du Christ et sur ses souffrances, etc.

Au cours des temps modernes, la vie religieuse et la culture de l'Occident s'éloignent encore davantage de la tradition orthodoxe que durant les siècles précédents. L'humanisme de la Renaissance, par son culte de l'homme, par son "retour" à l'antiquité gréco-romaine pré-chrétienne, rompait avec la tradition médiévale catholique-romaine, sans pour autant se rapprocher de l'Orthodoxie. La Réforme protestante, sur le plan théologique, était dans une large mesure un durcissement de l'augustinisme, et, sur le plan des comportements populaires, un iconoclasme. La Contre-Réforme catholique, tout en réaffirmant des éléments authentiquement traditionnels du christianisme, contestés par les Réformateurs, accentua l'aspect autoritaire et répressif du Catholicisme (Inquisition, Index...).

Au XVIIIème siècle, la Philosophie des Lumières et la Révolution française opérèrent une véritable révolution culturelle dont le but était de substituer à la tradition chrétienne antérieure une nouvelle conception de l'homme et de la société. Le matérialisme pratique des sociétés occidentales contemporaines, aussi bien que les différentes formes de l'athéisme militant et du totalitarisme, en procèdent.

Sous l'influence de ces divers facteurs, nombre d'hommes d'Occident restés chrétiens ont été amenés, d'une manière très variable selon les milieux, à perdre le sens du mystère de Dieu et de l'adoration, à réduire la vie religieuse à une éthique sociale, à relativiser les affirmations dogmatiques.

 

suite et fin ici:

http://christocentrix.over-blog.fr/article-divergences-et-convergences-3--41208926.html


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