Nikos Kavvadias
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aperçu sur la vie et l'oeuvre de Nikos Kavvadias, écrivain-voyageur grec : http://fr.wikipedia.org/wiki/N%C3%ADkos_Kavvad%C3%ADas et aussi http://curiosaetc.wordpress.com/2011/09/03/nikos-kavvadias-poete-des-oceans/
paru aussi en poche (10/18 ou folio)
son oeuvre poétique a inspiré des chanteurs :
c'est l'eau de mer qui goutte de ton corps,
dans une coupe d'Alger où, avant l'abordage,
communiaient les corsaires, à Mogador.
L'huître océane épouse la lumière.
Goût âcre : coing, peau de grenade, noix,
et la teinte secrète, plus amère
ornant les vases des Carthaginois.
Voile de cuir, odeurs mêlées de cire,
d'encens, de cèdre et de vernis ancien,
comme en la cale d'un très vieux navire
de l'Euphrate ou de chez les Phéniciens.
Une herbe blonde a couvert le trépied
pythique. Un flot de poix fondue, bouillante,
vient inonder sans trêve ni pitié
tous les pécheurs qui t'avaient pour amante.
Rosso romano, pourpre de Sidon,
cristaux précieux pour les vins les plus rares.
Que l'outre verse à flots, et qu'Apollon-
berger trempe ses traits dans le curare.
Rouille de feu, au Sinaï dans les mines.
Caves de Chalcidique. Et cet enduit.
Rouille sacrée qui est notre origine,
Qui nourrit, est nourrie, puis nous détruit.
Calice d'or, ciboire, candélabre,
et tabernacle en forme de vaisseau.
Au Grand portail, deux démons portant sabre,
avec trois anges, aux lances en morceaux.
Toi, d'où viens-tu ? De Babylone.
Où vas-tu ? Dans l'œil du cyclone.
Qui aimes-tu ? Une tsigane.
Quel est son nom ? La fée Morgane.
De nom, tous les cyclones sont femelles :
Eva, Judith, Emilie, Corazon.
La magicienne a trois filles pucelles ;
la quatrième, borgne, est un garçon.
Poissons volants dans la brise qui dort.
Crabes, tourteaux, filles échevelées,
serpents de terre et branches d'arbres morts,
hélice, mât et barre bricolée.
Si nous avions la lampe d'Aladin !
Ou le vieux nain des îles de la Sonde...
On a lancé le S.O.S., enfin,
sur un galet tout blanc, avec la fronde.
Quelque démon le beau temps ramena.
Allodetta, exorcise-le vite.
La radio, muette, à part les parasites.
L'opérateur feuillette l'almanach.
Le vent gémit comme un chien pris de rage.
Adieu la terre, adieu, rafiot, moussons...
L'âme nous quitte et se taille à la nage.
Même en enfer il y a des boxons.