courir le monde (Abel Bonnard)
..."Quand on commence à courir le monde, on aime d'abord les paysages les plus distincts, les mieux définis, ceux qui attendent l'étranger pour lui débiter leur éloquente tirade. C'est ensuite qu'on préfère à tous ces arrangements l'espace, plus beau que les choses. Des plaines sans orgueil, des terres pauvres et silencieuses manifestent peut-être mieux l'âme universelle que ces paysages enfermés dans la rigueur de leurs lignes. Une touffe d'herbes frissonne, une pâle fleur s'étonne de contempler l'infini, au loin passent des deuils de pluie, de faibles et divins sourires de lumière. L'âme ne s'ennuie pas de ces étendues, elle a de quoi les remplir. Où ne poussent pas les plantes utiles, marchent à pas lents les désirs, les regrets, les songes"...
extrait de "Au Maroc" par Abel Bonnard (1927).