NTS (Narodno Troudovoy Soyouz)
Cet article a pour but de vous faire connaître le «Narodno Troudovoy Soyouz» plus connu sous les initiales N.T.S., qui était l'une des principales organisation d'opposition politique en URSS. Ce document n'est pas un historique détaillé, mais nous essaierons de vous raconter comment et quand le NTS est né, quels étaient ses buts, quelle était la spécificité de sa pensée, de ses positions politiques, depuis sa fondation en 1930 jusqu'au début des années 80...
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Les autorités soviétiques d'alors ont dépensé beaucoup d'énergie pour prêter au NTS des agissements mystérieux et malfaisants. Craignant les débats politiques, qui sont normaux dans toute société libre où les partis et la presse d'opposition ont la faculté de s'organiser et de s'exprimer, le Parti Communiste soviétique et la police politique soviétique ont essayé de discréditer leurs opposants politiques, en leur prêtant une image de conspirateurs clandestins. Or rien n'était plus étranger à l'esprit et aux buts du NTS. Celui-ci se trouvait dans une situation délicate. Rappelons qu'en URSS, la répression politique, imposait de faire clandestinement ce qui se faisait publiquement dans un pays libre. On sait comment en Union soviétique un écrivain en désaccord avec l'idéologie officielle était obligé de travailler derrière des portes verrouillées; comment il devait cacher son manuscrit, comment pour protéger son travail des perquisitions du KGB, il devait faire plusieurs copies et les garder dans diverses cachettes pour que toutes ne puissent être confisquées en même temps. C'est donc le KGB qui obligait le citoyen ordinaire à se conduire clandestinement et à se tenir constamment sur ses gardes. Dans ces conditions le NTS était obligé, lui aussi, de se protéger, de protéger ses membres et ses activités contre le pouvoir despotique.
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LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DU NTS
Les lettres NTS sont les initiales de « Narodno Troudovoy Soyouz (Rossiiskikh Solidaristov) » qui se traduit à peu près par Alliance Populaire du Travail (des solidaristes russes). Né en 1930 au congrès de la Jeunesse de Belgrade, l'Alliance ne s'est pas constituée sur un programme politique préalablement défini. Ces pionniers se sont unis par-dessus tout autour de leur amour pour leur patrie, leur foi dans son avenir et le rejet des principes de la dictature léniniste puis stalinienne qui s'était établie en Union Soviétique. Dans les premières années, le programme s'exprimait dans cette formule : « Idéalisme Nationalisme, Action ». Plus tard, c'est après un travail de réflexion très large de plusieurs années, que le N.T.S a défini plus précisément son visage philosophique et politique. Dans sa doctrine sociale, le NTS recherchait une forme de société démocratique qui combinerait les principe de légalité et les particularités des conditions de vie et Russie, de son histoire et de son caractère propre Chaque société doit rechercher son propre chemin pour accéder au développement de ses libertés et à l'équilibre de ses différentes composantes. La Russie se devait d'adapter les meilleurs éléments tirés de l'expérience des société libres, elle devait tenir compte de l'évolution de sciences sociales, et adapter ingénieusement cet ensemble aux nécessités de sa propre situation. La conception du futur ordre social en Russie, pour le N.T.S., est fondé sur le postulat que la société ne doit pas servir une classe particulière, ni une couche socio-économique, ni un groupe racial ou national ni les intérêts d'un petit groupe de privilégiés, mais qu'elle doit être au service de la nation tout entière. Dans cet ensemble le statut social de chaque individu est déterminé non par son affiliation un parti, sa fortune, sa naissance ou son appartenance ethnique, mais par sa participation personnelle au bien commun. II s'agit de la participation individuelle représentant plus que le travail physique, qui pour être indispensable, ne vaut rien sans l'impulsion créatrice, le talent, l'imagination, l'amour de ce que l'on fait, le désir d'être utile.
Il pouvait sembler inutile de présenter l'objectif d'un société, faite pour tous et pour chacun dans laquelle prévaudrait l'esprit de service et de participation. Cependant, compte tenu de la réalité soviétique d'alors, de l'ordre social répressif existant, et de la terreur imposée par la philosophie marxiste, cette insistance n'était pas inutile. Il ne faut pas perdre de vue que le NTS s'adressait aux Russes sur des problèmes concernant les citoyens de Russie.
Le caractère «russe» du programme ou même le nom du N.T.S. repose sur une distinction étrangère à la langue française entre «rossiiski» et «rousski». Au moins peut-on s'en approcher en indiquant qu'il témoigne de l'essence multinationale du «continent russe». Les histoires et les destins des 105 nationalités qui composaient l'Union soviétique, de l'Europe centrale aux Provinces maritimes d'extrême-Asie, sont fondus dans le même creuset de souffrances partagées et, ainsi que le soulignent les responsables du NTS, «de notre responsabilité commune pour nos crimes communs.»
Le NTS mène le combat de la liberté partagée par tous et non de la tyrannie d'un peuple sur les autres. Le développement des consciences nationales ou le renforcement des liens fédératifs ne sont possibles que dans un environnement de liberté. En cette matière, la règle doit être forgée par la tolérance et le réalisme. Le NTS ne veut pas régler des différents historiques, il veut travailler pour aujourd'hui et pour demain. Savoir s'il faut cent-cinq Etats fédérés ou moins n'est pas pertinent. Ce qui l'est c'est de vouloir créer les conditions de libre dialogue qui, seul, permettra de traiter cette question.
Le fondement philosophique du NTS est le solidarisme, qui vient de solidarité. Selon la définition du dictionnaire c'est « le sentiment qui pousse les hommes à s'accorder une aide mutuelle », le solidarisme est une idée de la société qui affirme la solidarité entre chacune des différentes parties. Dans la langue politique, il exprime la notion d'un devoir actif à observer pour tout homme vis à vis de ses semblables.
Comme l'écologie met en évidence l'interdépendance de tous les phénomènes de notre environnement naturel, le solidarisme applique cette même relation à la société humaine dans toutes ses manifestations. Les hommes, la nature, l'économie, les structures sociales, la culture, la vie spirituelle, toutes ces manifestations ont, d'une part, leurs particularités individuelles et leurs lois fondamentales, mais elles sont, d'autre part, fermement liées les unes aux autres dans un système complexe.
Le terme de solidarisme fut employé pour la première fois par Pierre Leroux, l'homme politique français, en 1840. Depuis, il a trouvé des applications pratiques dans le droit positif avec la législation de Léon Bourgeois en France, dans le domaine sociologique avec Emile Durkheim -père de la sociologie moderne- et dans le domaine politique en tant qu'application d'un socialisme spécifiquement chrétien. Cette théorie fut développée par un groupe de philosophes allemands qui travaillèrent d'abord en Allemagne, puis en exil sous le IIIème Reich, comme H. Pesch, G. Boriefs, G. Gundlach, O. Von Nell, Breunig. Leur théorie devint le fondement idéologique de plusieurs partis politiques européens d'aujourd'hui en Allemagne, Belgique, Italie, France... Des éléments de cette théorie ont été adoptés par de nombreux partis dans le monde.
Dans la pensée politique russe le concept de solidarisme fut d'abord appliqué par G. Guins, juriste réputé qui proposa un système constitutionnel dans les années 20. Mais ses éléments essentiels avaient déjà été formulés par Khomiakov -philosophe du 19ème siècle- notamment dans son principe du «sobornost». Toute une école de pensée s'est développée autour de ces analyses et ces principes (Soloviev d'une part, les "populistes" d'autre part). Certains philosophes russes émigrés comme Frank, Berdiaev, Lossky et Levitsky l'élargirent en y incluant des aspects sociaux et spirituels.
La philosophie de la personnalité humaine, le «personalisme», sert de base au solidarisme russe pour tous les problèmes éthiques et spirituels en rapport avec la liberté de l'individu et sa créativité.
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UNE ORGANISATION RÉVOLUTIONNAIRE ANTI-SOVIÉTIQUE
La caricature a toujours été une des méthodes favorites des dictatures. Ainsi l'accusation d'anti-soviétisme était appliquée par l'Union Soviétique à tous ses opposants politiques et en particulier au NTS. En réalité, il n'existait pas de vrai gouvernement soviétique. En russe «soviet» veut dire conseil, et «Sovietskor Gossovdarsto», gouvernement soviétique, signifie régi par un conseil de représentants. Cependant, du soviet de village au soviet suprême ce n'était que des marionnettes exécutant les ordres d'une oligarchie qui a dépouillé les soviets de tout pouvoir réel. Le NTS ne se bat pas contre les conseils mais contre le monopole du pouvoir détenu par l'appareil du PCUS.
Ce pouvoir a coûté plus de 60 millions de vies humaines à l'URSS. Il a exécuté les prêtres par dizaines de millers, a dévasté les villages ukrainiens par une famine provoquée artificiellement, a peuplé les goulags de millions de condamnés, a signé un pacte avec Hitler et entraîné les futurs pilotes de l'armée nazie dans ses propres écoles de l'air. Avec ses chars, ce pouvoir a écrasé les soulèvements populaires de Kolyma, Novocherkassk, Dombass, Berlin, Poznam, Budapest, Prague... II joue avec le feu au Proche Orient et en Afrique, il arme et soutient des dictateurs, des extrémistes et des terroristes dans le monde entier.Ce régime a construit une machine militaire comme on n'en a jamais vu auparavant. II proclame son amour de la paix en affûtant ses couteaux.
Cependant le NTS ne se bat pas pour se venger. Il ne veut pas le sang de ceux qui détiennent le pouvoir. Il ne demande même pas la révocation de tous ceux qui gouvernent le pays. Il ne combat pas des individus, mais le système créé par ces individus et leurs prédécesseurs : un système de mensonge et de violence, de pouvoir monopolisé et de conformisme.
C'est une organisation révolutionnaire non parce qu'il mise sur un soulèvement mais parce qu'il tend à un changement radical et profond. Le système en place encourage et développe les plus mauvais ressorts de la nature humaine : délation, corruption, envie ... Dès lors le combat contre ce système et celui d'une renaissance spirituelle et morale sont consubstantiellement liés. Pour sortir l'Union Soviétique de l'impasse, il faut proposer un système social fondé sur d'autres valeurs. Et la vision d'un tel système et le combat pour sa réalisation sont dans ce sens réellement « révolutionnaires» dans l'Union Soviétique d'alors.
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STRUCTURE ET ORGANISATION DU NTS
La structure du NTS reflètait les conditions particulières dans lesquelles il opèrait. En réalité, il y avait deux formes de ce mouvement : une organisation politique officielle en Occident, des réseaux de résistance clandestine en URSS et en Europe de l'Est. Au sein du NTS se trouvent des gens qui ont des vues identiques globalement sur les grandes orientations politiques économiques, sociales et culturelles, et surtout, qui veulent agir en commun.
Comme tout mouvement politique le NTS s'est doté de structures. La plus haute instance en était le Conseil (20 sièges). La moitié de ses membres était élue tous les deux ans pour un mandat de quatre ans. Tous les deux ans le Conseil élit les responsables : le président de l'organisation qui est aussi président du Conseil, le président et les membres du Bureau Exécutif et de la Commission d'arbitrage. Toutes les élections ont lieu à bulletin secret.
Le Conseil désigne les commissions de travail spécialisées pour les affaires politiques, stratégiques, sociales et économiques, et leur donne les directives du mouvement. L'organe le plus important est le Bureau Exécutif. Il dirige le travail pratique et quotidien de l'organisation. Plusieurs départements sont sous son autorité :
- le secrétariat : il s'occupe du secteur officiel, des contacts avec les organisations diverses et les mouvements politiques en Occident, avec les autres groupes issus de l'émigration, etc.
- la maison d'édition et l'imprimerie.
- le département des opérations à l'étranger : il est chargé des rencontres avec les citoyens soviétiques hors d'URSS; marins, touristes, délégués, etc., des campagne d'information par courrier (appelées «flèches postales»), des actions pour la défense des droits de l'Homme.
- le département des finances.
- le département de la Résistance : il s'occupe de l'organisation clandestine, des contacts avec les sympathisants en URSS et en Europe de l'Est (groupes religieux divers, groupes pour les défenses des droits, des libertés intellectuelles ...), les actions de soutien à l'opposition.
La structure de la résistance à l'intérieur du pays était basée sur le principe d'une organisation dite «moléculaire». Chaque membre ou sympathisant du NTS en URSS -qu'il travaille constamment dans la clandestinité, ou qu'il agisse seulement comme contact- court le risque d'être pris et emprisonné. Etant donnés la nature de l'action policière, et les moyens utilisés, un homme arrêté peut être acculé à parler. En outre il faut considérer comme toujours possible une trahison ou une provocation. C'est pourquoi, si on ne peut protéger chaque groupe contre le danger, il est indispensable de préserver l'organisation d'une destruction totale.
Dans une organisation classique, les divers groupes sont en relation les uns avec les autres. Si un groupe est découvert il est possible, par des filatures ou divers moyens de pression d'obtenir des renseignements sur les autres groupes et de démanteler ainsi progressivement toute l'organisation. La structure moléculaire consiste en groupes séparés, sans aucun lien entre eux mais tous reliés à un centre de coordination situé hors de portée de l'adversaire. L'arrestation d'un messager ou d'un groupe est donc de portée limitée.
Cette structure avait des inconvénients et compromettait entre autre la rapidité des communications mais elle a permis à l'organisation de combattre pendant 50 ans.
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LES PREMIERES ANNEES DU NTS ET LES ANNEES QUI PRECEDERENT LA GUERRE
Lors de la création du NTS, au cours d'un congrès des représentants de la jeunesse et des étudiants, un certain nombre d'organisations politiques existaient déjà parmi les groupes d'émigés russes. Quelques unes d'entre elles menaient encore une action en Russie soviétique, mais la plupart consacraient leurs efforts à essayer d'«ouvrir les yeux de l'Occident» ou s'épuisaient en querelles intestines. Cette situation ne pouvait satisfaire la grande majorité de la jeune génération. C'est cette nouvelle génération qui décida de créer une organisation qui se préoccuperait essentiellement de la Russie et sans aucune orientation politique : ainsi naquit le NTS.
Leur travail s'orienta dans deux directions. Il s'agissait, d'une part, d'acquérir une connaissance approfondie de la Russie soviétique et d'élaborer un projet politique et idéologique pour la Russie future. Un programme intensif de lectures, de cours, de conférences et de séminaires fut organisé. De nombreuses études furent publiées. Les journaux, revues et livres soviétiques disponibles furent commandés à des fins d'analyse. L'organe du NTS «Za Rossiou» (Pour la Russie), commença à paraître en mars 1932, à Sofia, puis plus tard à Belgrade. Des sections du NTS s'ouvrirent en Yougoslavie, Bulgarie, Tchécoslovaquie, Roumanie, Pologne, Pays Baltes, France, Belgique, Allemagne, Suède, Mandchourie, et de petits groupes se formèrent dans plusieurs autres pays.
II fallait, d'autre part :
- faire pénétrer en Russie les idées et le programme politique du NTS. Pour y parvenir, il importait de trouver le moyen de faire parvenir littérature et documentation. Dans ce but, toutes les possibilités étaient exploitées :
- des publications furent cachées au milieu de marchandises à destination de l'URSS.
- des containers furent même jetés dans des rivières franchissant des frontières, ou encore envoyés par ballons.
- des livres furent distribués aux citoyens soviétiques voyageant à l'étranger et d'autres transitèrent par la poste vers le personnel diplomatique.
- des personnes se rendirent clandestinement en URSS. Cette entreprise là était la plus difficile. N'ayant pas encore ses propres canaux, et désirant une coopération de toutes les forces opérant sur le territoire, le NTS conclut des accords avec le ROVS (Unions des Forces Armées Russes) et le BRP (Fraternité de la Vérité Russe) afin d'utiliser leurs filières pour que ses militants parviennent à s'infiltrer dans leur pays. Les deux groupes cités étaient encore actifs en URSS à cette époque.
La première opération fut brève et se termina tragiquement. Plus de dix personnes qui passèrent par les filières du BRP furent interceptées. En même temps un important groupe du NTS fut arrêté à Moscou en 1934. Plusieurs membres du BRP furent tués : ils avaient tous été trahis par un agent soviétique que le BRP nommait Kolberg.
D'autres groupes du NTS parvenus en Russie soviétique par les filières du ROVS furent aussi interceptés. Heureusement un de ceux-ci échappa à l'arrestation et revint en Occident. Les dirigeants du ROVS, pourtant mis devant l'évidence de la trahison de l'un des leurs, refusèrent toutefois de croire ce témoignage et d'agir en conséquence. La trahison de Skoblin, chef des activités clandestines du ROVS, ne fut démontrée qu'après l'enlèvement du général Miller, leur dirigeant.
Les premiers membres du NTS qui donnèrent leur vie pour leur pays, Piotr Inochnikov et Mikhail Florovsky, passés par les filières du ROVS tombèrent dans un piège, furent arrêtés et fusillés. Leurs amis l'apprirent en décembre 1934 en lisant la presse soviétique.
Remis de ces coups, le NTS commença à organiser ses propres voies d'accès. Les pertes furent moins nombreuses. Ceux qui parvenaient à franchir la frontière réussissaient généralement à se fondre dans la population, à s'installer et à commencer à travailler efficacement. Certains -comme M. Durnovo, V. Doumovo, V. Leushin- ne furent découverts que des années après leur arrivée, d'autres, conformément à l'objectif fixé revinrent en Occident, certains y constituaient il y a encore quelques années une mémoire vivante de la vie de lutte des années 30. Malheureusement le passage de la frontière compta aussi ses victimes : S. Spitza, N. Goursky, V. Babkin et de nombreux autres. V. Beregoulko, sérieusement blessé, fut tué alors qu'il couvrait la retraite de ses amis. Certains destins sont surprenants; Pereladov, Kobilkin, Olennikov passèrent sans encombre la frontière mandchoue. Ils traversèrent tout le pays jusqu'à Moscou où il restèrent quelques temps. Ils organisèrent quelques groupes locaux puis, selon leurs instructions repartirent en traversant la Sibérie. A quelques heures de la frontière, ils furent reconnus par un employé des chemins de fer qui les avait connus autrefois à Harbin. Dénoncés, ils furent tous trois arrêtés et fusillés à Irkoutsk. Autre exemple, celui de I. Khlobistov. Parvenu en Russie soviétique, il s'y installe. Mobilisé pendant la guerre, il se trouva à Berlin et resta en Allemagne de l'Est parmi les troupes d'occupation soviétiques. De là, rétablit le contact avec le centre de coordination du NTS. Après la guerre, il s'installa à Gorki et reprit des activités politiques en créant un groupe du NTS. Pourtant quelques années plus tard le groupe entier fut arrêté, trahi par un informateur.
Okolovitch et Kolkov, quant à eux, furent parmi les premiers à passer en Russie soviétique par les filières du NTS. Après avoir voyagé plusieurs mois à travers le pays, ils retournèrent en Occident. Leur expérience à servi de base pour entraîner les suivants. Après cela Okolovitch dirigea pendant plusieurs années les opérations clandestines, (il est mort en 1979 en Allemagne), Kolokov, lui, retourna dans le Caucase où il mourut en 1943 de la typhoïde.
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«NI STALINE NI HITLER»
A l'approche de la guerre, deux théories s'affrontèrentt au sein de l'émigration sur l'attitude à adopter. Les uns étaient convaincus qu'il fallait d'abord libérer la Russie de l'envahisseur allemand. En effet, pour eux, Staline devrait au terme d'une guerre victorieuse inévitablement faire de grandes concessions pour relever le pays. Le régime serait obligé de supprimer les kolkhoses, d'introduire une nouvelle politique économique permettant des entreprises privées, et de faire cesser la terreur. Suivrait un renouveau économique et spirituel qui adoucirait progressivement le régime communiste et le ferait naturellement disparaître. En attendant, il fallait soutenir le régime honni contre les Allemands.
Les autres pensaient que le renversement de la dictature stalinienne était le premier but à atteindre. Libérée de la tyrannie communiste, la nation s'occuperait ensuite des conquérants étrangers. Pour eux, la dictature communiste détruisait l'esprit du peuple. Dans l'histoire de la Russie les invasions avaient toujours mené à un renouveau spirituel, à un héroïsme sans égal et à l'ultime défaite de l'ennemi. Donc pour le temps présent il fallait soutenir les Allemands contre Staline. Aux yeux des dirigeants du NTS, pourtant, le choix entre Hitler ou Staline ne se posait pas. En effet, pour eux, l'un et l'autre signifiaient pour la Russie des millions de victimes et des années de souffrances. Il fallait trouver une troisième voie, proprement russe, ou la créer si elle n'existait pas. Cette attitude était pour eux la seule véritablement acceptable. C'est pourquoi, au seuil de la guerre, le NTS publia sa résolution « Ni avec Staline, ni avec Hitler, mais avec notre peuple ».
Quelles étaient les conséquences pratiques de cette résolution ? Quel que soit le vainqueur, des circonstance pourraient offrir l'occasion d'échapper à l'un ou l'autre des tyrans. Mais pour tirer profit de ces circonstances au moment opportun, il fallait se rassembler et s'unir autour de l'idée de la troisième voie. Sans une telle force, ces opportunités risquaient d'être manquées. Il était évident à cette époque que l'Allemagne aurait l'avantage militaire, au moins au début, et occuperait certaines parties du territoire soviétique. Le NTS se fixa donc comme tâche de concentrer toutes les forces disponibles en Russie et de diffuser l'idée d'une Russie libre sans occupants allemands et sans communisme. En 1941-1942, les Allemands étaient proches de Moscou. Pendant cette période, des groupes clandestins étaient actifs dans 120 villes russes occupées. Un réseau clandestin d'imprimerie fonctionnait. Des membres de l'organisation sillonnaient le pays, s'abritant sous des identités les plus diverses, trouvant du travail, servant de liaison entre les groupes de Kiev, Dnepropetrovsk, Vitebsk Orska et autres. Comme dans tout régime totalitaire, le papiers portant des sceaux officiels étaient tout puissants dans l'Allemagne hitlérienne. Le NTS créa donc une petite entreprise pour confectionner et procurer différents documents, d'autres, plus ou moins fictives, procuraient une couverture au travail clandestin.
Des millions de gens se retrouvèrent bientôt en Allemagne, en Tchécoslovaquie, et en Autriche, comme prisonniers de guerre ou comme «travailleurs de l'Est». Certains membres du mouvement pénétrèrent dans les camps de POW (prisonners of war) et de OST (ostarbeiter) sous divers prétextes (par exemple comme appartenant à un groupe de loisir, ou bien comme propagandistes du ministère de l'Est ou délégués d'usine à la recherche de main d'oeuvre...) Ils apportaient de la littérature, et discutaient avec les habitants des camps. De nouveaux groupes se formèrent.
Parmi les officiers allemands anti-hitlériens quelques uns, dont beaucoup feront partie de la tentative de coup d'Etat et d'assassinat d'Hitler du 20 juillet, cherchaient la possibilité de donner une tournure politique à la guerre. Dans ce but, ils étaient prêts, entre autres, à aider la population russe anti-communiste, et à favoriser la création d'une force indépendante combattant pour la liberté de leur pays. A ce moment là, Andrey Andeevitch Vlassov, général soviétique très populaire, défenseur de Kiev et de Moscou, avait été encerclé et fait prisonnier. Il établit le contact avec les anti-nazis allemands. Compte tenu de la situation de guerre et de sa popularité dans son pays, il prit la tête du « mouvement pour la libération de la Russie », et de « l'armée de libération de la Russie » (ROA). Il pensait qu'au premier contact avec les unités de l'Armée rouge, les hommes se rallieraient à la ROA, car ils étaient prêts à défendre leur sol contre les forces du Reich, mais pas prêts à défendre Staline contre la ROA. Il espérait ainsi, par un effet de boule de neige, constituer une force armée assez puissante pour mettre fin à la dictature stalinienne, et pour faire échouer les plans d'Hitler. L'histoire a démontré que tous ces espoirs étaient vains. Le complot contre Hitler échoua, la plupart des Allemands qui soutenaient Vlassov furent exécutés ou perdirent toute influence, Hitler veilla à ne jamais laisser les mains libres à Vlassov, même à la veille de la défaite totale.
Pour le NTS, la création de la ROA ouvrait de nouvelles perspectives. Quelques militants du NTS travaillèrent directement sous les ordres de la ROA. En effet, des dizaines de milliers de Russes se trouvaient hors des camps et armés. Le NTS commença une activité politique intense dans les rangs de la ROA, voyant en elle l'élément armé de la troisième force. Il accorda une attention spéciale à l'Ecole de formation de la ROA à Dabendorf, où fut créé un groupe NTS dont faisait partie le directeur de l'Ecole, le général F.L Rroukhins, ancien instructeur de l'Académie de l'Etat Major Général de Moscou. Dabendorf devint un foyer de propagande clandestine pour la «troisième force».
Les activités clandestines du NTS en Russie occupée et en Allemagne lui coûtèrent de nombreuses vies. Dans les archives de la Gestapo, le NTS est désigné comme une organisation illégale, perpétrant des activités anti-allemandes. Des membres de l'organisation furent arrêtés à Minsk, Solensk, Gomel, Bobrnisk, Orsha, Vinitea, Orel, aussi bien qu'à Berlin, Vienne, Prague ou Breslau. Ils furent envoyés en prison ou déportés dans des camps de concentration. Vers la fin de la guerre, environ 200 membres du NTS se trouvaient dans les geôles ou les camps allemands. Certains furent fusillés (S. Gladsky, De Losev ...)
Le siège central du NTS, et ses deux centres de repli furent découverts et détruits, 50 personnes arrêtées uniquement à Berlin, et 40 à Breslaw Le chef des opérations clandestines en Pologne, Alexandre Viourgler, fut abattu par la Gestapo dans les rues de Varsovie, et, cruelle ironie du destin, de nombreux membres du NTS furent arrêtés par la Gestapo, sur dénonciation de la police secrète soviétique, le NKVD. D'autres sortirent des camps allemands pour rejoindre des camps anglais ou américains puis renvoyés à Staline qui les déporta ou les fit exécuter. Une partie seulement de l'organisation installée en territoire occupé fut détruite par les Allemands. Ses membres qui étaient encore en vie, soit retournèrent en Occident, soit se dissimulèrent plus encore, arrêtant momentanément leurs activités. Ils les reprirent lorsque l'armée rouge pénétra en Yougoslavie, Tchécoslovaquie, Pologne, Roumanie et Bulgarie. D'autres furent arrêtés et déportés, par les Soviétiques.
Le siège central du NTS en Occident se trouva totalement coupé d'eux pendant plusieurs années. Le sort de certains ne fut connu que récemment lorsque leurs anciens camarades de camp ou de prison commencèrent à arriver en Occident.
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NOUVELLE OFFENSIVE
Après la guerre, l'activité du NTS en Russie soviétique fut suspendue et ce fut la seule coupure de son histoire. L'Organisation avait subi de lourdes pertes mais s'était reconstituée avec de nouveaux cadres. Ses membres avaient été dispersés aux quatre coins de l'Europe par la guerre, beaucoup de liaisons avaient été coupées, d'archives détruites par mesure de précaution. Les commissions de rapatriement recherchant en Europe ceux qui devaient être rendus au gouvernement soviétique selon les accords de Yalta, le NTS s'activa pour prévenir du retour forcé les citoyens soviétiques réfugiés en Europe de l'Ouest.
Il fallut presque 4 ans à l'Organisation pour rassembler ses forces. Les responsables et une partie des cadres se regroupaient progressivement à Monchehof, un camp de personnes déplacées près de Kassel et le Conseil fut reconstitué. La première session du Conseil après la guerre fut consacrée au bilan des années précédentes et aux questions de stratégie. Lors de cette réunion, il fut décidé de continuer à donner la priorité à l'action sur le territoire russe. Dans les années qui suivirent, le mouvement était particulièrement actif au sein des forces d'occupation soviétiques stationnées en Allemagne et en Autriche. Des bases s'étaient établies à Berlin et à Vienne. Ses membres établirent des contacts avec les soldats de ces zones, soit directement, soit par l'intermédiaire d'amis allemands ou autrichiens. Ils formèrent des cellules et des groupes à l'intérieur même des unités militaires soviétiques.
Des sigles et des affiches commencèrent à apparaître, des tracts circulaient dans les baraquements et sur les terrains d'entraînement. La première station de radio de l'Organisation émettait grâce à un appareil portatif, depuis la banlieue berlinoise, sur des fréquences militaires. Leurs émissions commençaient par les premières mesures de la 5ème symphonie de Tchaikovsky. Cet indicatif de « Radio Russie Libre » fut entendu sur les ondes jusqu'en 1976.
Pendant longtemps l'émetteur mobile sillonna les forêts européennes, changeant quotidiennement d'endroit. Tous les jours et par tous les temps, les opérateurs accrochaient leur antenne en haut des arbres et commençaient leurs dix heures de duels avec les «brouilleurs». Augmentant progressivement sa puissance d'émission, «Radio Russie Libre» cessa d'être mobile. Dans un coin isolé d'Europe, des baraques de bois abritaient émetteurs et opérateurs. Des antennes longue portée concentraient les ondes vers l'Est, jusqu'au-delà des montagnes de l'Oural. D'autre part, des programmes courts, de 30 minutes, étaient émis quotidiennement depuis Taïwan vers la Sibérie.
A cette même époque, de nombreux tracts ou petites brochures étaient envoyés en Russie par ballons. Avec plus de 20 m de diamètre, ces ballons pouvaient transporter jusqu'à 90 kg de documents et franchir de grandes distances (l'un d'eux, lancé depuis l'Europe atterrit vide en Corée du Sud). Un mécanisme automatique assurait le largage successif de paquets tous les 400 ou 500 km. Des ballons météo plus petits pouvaient porter I kg et demi de documents : ils étaient lancés par douzaines et ne parcouraient que 500 km environ. Le NTS les utilisait pour atteindre les régions frontalières. Naturellement une grande partie des documents se perdaient mais une quantité appréciable atteignait son but.
La situation internationale, et le climat politique changèrent à partir des années 60. La « coexistence pacifique » puis la «détente» signifiaient pour les Occidentaux de plus en plus de gestes de conciliation et la cessation de tout acte politique dirigé contre la dictature soviétique. Dans cette atmosphère, les émissions de radio, ou les envois de ballons devaient redevenir clandestins, et cette dernière activité ne pouvait être maintenue car elle exigeait des techniques très perfectionnées nécessitant des fonds trop importants.
Néanmoins à cette même époque s'ouvrirent de nouveaux champs d'activité, notamment la publication d'ouvrages censurés et de documents du « samizdat ». Se développaient également les «opérations étrangères» à savoir les contacts et les distributions de livres, brochures et documents en tous genres aux marins, touristes ou sportifs soviétiques voyageant à l'étranger. Depuis cette époque, dans tous les grands ports occidentaux, des membres du mouvement entrent en contact avec les marins d'un navire soviétique faisant escale. Ils entament une conversation avec eux, et leur proposent des livres. Il en va de même avec les touristes ou les délégués de missions culturelles, sportives , etc. Ainsi, chaque année, des centaines de citoyens soviétiques retournent dans leur pays avec des éléments écrits d'information. Certains les gardent et ne les montrent qu'à un cercle restreint d'amis sûrs, d'autres les revendent au marché noir après les avoir lus ou non.
Enfin, comme en 1930, on utilisait les possibilités de pénétrer en Russie soviétique. Il fallait rétablir des liaisons régulières et poursuivre le travail entamé. A nouveau, des membres du NTS, entrèrent dans leur pays afin de stimuler et d'aider la résistance contre la dictature. Et comme auparavant les pertes furent inévitables et nombreuses. Le 27 mai 1953, le journal soviétique, « Les Izvestia » rapporta l'exécution de plusieurs militants de l'organisation : S. Gorbounov, A. Lakhno, A. Makov et D. Remiga. Le 15 juin l'arrestation de Kondriavtsev et de Yakouta, le 25 novembre celle de Novikov, le 6 février 57 de Khmelnitski furent annoncées, le 2 avril de la même année V. Khatzev relate la présentation d'un membre du NTS «encore vivant» lors d'une conférence de presse. Ce que la presse soviétique ne mentionnait jamais c'est que les hommes arrêtés menaient des activités clandestines en URSS depuis 4 à 6 ans.
Le travail mené au sein des forces d'occupation a réclamé aussi ses victimes. Les autorités soviétiques et d'Allemagne de l'Est procédèrent à l'arrestation de militants NTS et de sympathisants allemands qui agissaient en zone soviétique. D'autre part, des enlèvements, dont nous reparlerons un peu plus loin, eurent lieu dans les secteurs occidentaux.
La mort de Staline secoua la Russie paralysée trop longtemps par la peur. Dans tout le pays, un murmure sourd et menaçant se faisait entendre. Des soulèvements éclatèrent dans les camps de concentration - comme à Vorkouta et à Norilsk. Le pouvoir commençait peu à peu à céder. Les XXème et XXIlème Congrès du Parti dénoncèrent Staline et sa politique, inaugurant le «dégel». Jusqu'à cette période, le régime avait lui-même décidé de la vie ou de la mort des combattants de la liberté, il avait prévu des peines de 15 ou 25 ans de prison pour la moindre manifestation d'opposition. Auparavant, la révolte semblait être le seul espoir de libération pour mettre un terme à l'extermination de millions d'hommes dans les camps de travail. Avec le «dégel», une transformation graduelle du régime apparut possible. Le NTS vit les avantages du relâchement de l'étreinte. Sans se bercer de l'espoir illusoire d'un changement radical de la dictature, il développa et appliqua de nouvelles tactiques.
Sur son initiative, une conférence réunissant diverses organisations d'exilés se tint le 22 octobre 56. Au cours de cette réunion, la résolution suivante fut adoptée : «La conférence juge nécessaire de convoquer un congrès portant sur le Droit et la Liberté en Russie, pour déterminer et formuler les aspirations des individus, et de la société. Ses travaux seront exclusivement orientés vers l'élaboration des droits et des libertés fondamentales de l'Homme.» Le congrès eut lieu à La Haye, du 25 au 27 avril 1957. Quatre-vingt délégués de l'émigration russe y participèrent, représentant différentes tendances et nationalités. Il formula cent trente propositions précises couvrant tous les secteurs de la vie publique. On peut relever par exemple les mentions suivantes : droit pour les citoyens de se réunir en associations, liberté d'émigrer dans un pays de son choix, abolition des restrictions de déplacement à l'intérieur du pays, droit des parents pour une instruction religieuse de leurs enfants, droit pour les paysans des kolkhoses aux mêmes avantages sociaux que le reste de la population ...
Ces propositions restaient en deçà des objectifs ultimes de rupture du monopole politique du PCUS, de dissolution du KGB, et d'adoption d'une nouvelle Constitution, garantissant les droits et la liberté individuelle. Néanmoins, elles avaient l'avantage de pouvoir être discutées ouvertement même en URSS. Cela permettait la pénétration d'une nouvelle pensée libre et indépendante.
La presse internationale rendit compte de ce congrès et commenta les méthodes et les propositions énoncées. La protestation de l'ambassade soviétique contre ce «congrès des émigrants» fut tournée en ridicule. Les Actes du congrès furent édités et circulèrent clandestinement en URSS.
Au même moment, un autre changement important apparut par le développement du tourisme en Union Soviétique. Les voyages avec un visa de touriste se multiplièrent. Cela offrait au NTS beaucoup plus de facilités pour les contacts réguliers avec le pays.
Parallèlement au travail politique, le NTS développait toute une série d'actions visant à obtenir, de la part des autorités soviétiques, des concessions sur des points précis. En effet, à cette époque des groupes et des individus s'efforçaient de défendre activement et ouvertement les droits établis par la Constitution soviétique : liberté d'expression et d'association, droits individuels, culturels, sociaux-économiques, etc. Pour soutenir ces initiatives, il fallait mobiliser l'opinion publique occidentale. Le NTS s'y employa par le biais d'organisations déjà existantes ou par la création de nouvelles structures d'information et de soutien.
Il convient d'évoquer brièvement les actions menées entre 1965 et 1975 grâce à la coopération du NTS et de diverses organisations amies du monde libre.
- Plus de mille manuscrits et documents furent sortis clandestinement d'URSS et édités en Occident. Il s'agissait des oeuvres littéraires, des mémoires, des films et aussi des lettres venant de déportés.
- Plusieurs centaines de milliers de signatures furent rassemblées à l'occasion de soixante deux pétitions adressées aux dirigeants du PCUS, protestant contre les arrestations, les procès et les persécutions dirigées contre les dissidents.
- Plus de cent manifestations furent organisées dans différents pays occidentaux : processions aux flambeaux de plusieurs milliers de participants, piquets devant les ambassades et les bureaux soviétiques, grèves publiques de la faim, suivies dans certains cas par des parlementaires.
- Au cours de soixante trois conférences de presse, des informations et des documents provenant de Russie furent rendus publics.
- Vingt-sept réunions de solidarité consacrées au soutien des dissidents rassemblèrent des personnalités politiques, scientifiques et intellectuelles.
- Quarante-trois expositions ont été organisées, avec des documents Samizdat, des photos et des tableaux.
- Environ cinq cent conférences ont informé le public de la dissidence et de la défense des droits et libertés en URSS.
- Soixante-sept pétitions furent envoyées aux décideurs et, par exemple, au Secrétaire général des Nations Unies, au Pape Paul VI, aux chefs d'Etats, aux parlementaires, aux dirigeants des syndicats et aux membres des conférences internationales.
- Onze périodiques ont été régulièrement imprimés en diverses langues pour traduire l'essentiel des samizdats. - Neuf manifestations de solidarité menées par des Occidentaux eurent lieu dans les rues de Moscou et de Léningrad pour défendre P. Grigorenko, Gorbanevskaïa, Boukovsky, et beaucoup d'autres. Les manifestants distribuaient des documents du Samizdat, des tracts avec les photos des détenus et appelaient à les soutenir.
- Vingt et un voyages en URSS d'avocats occidentaux et de personnalités furent organisés. Ils avaient pour but de faire des démarches auprès des autorités soviétiques (ministre de la Santé, des Affaires intérieures, bureaux des procureurs, etc) pour la défense de tel ou tel interné, munis d'un dossier individuel bien précis. - Des programmes spéciaux de radio et de télévision, des conférences et des concerts avec la participation de dissidents furent montés dans les pays occidentaux. - Plus de cinquante mille cartes postales avec les photos de V. Boukovsky, P. Grigorenko, A. Guinzbourg et d'autres prisonniers politiques furent envoyées aux dirigeants du PCUS à partir des pays occidentaux.
- Plus de dix mille articles dans la presse occidentale informèrent le public de ces actions.
Pourtant toutes ces tentatives pour informer l'opinion publique occidentale et la mobiliser, ont été souvent empêchées par les «faiseurs d'opinion» qui, se parant derrière les modes ou un réalisme logique et cohérent, distillaient des informations orientées et partiales. Selon les époques, divers arguments étaient avancés :
- «Les documents du samizdat sont invérifiables, pas objectifs ou parfois même falsifiés». Lorsque les premiers témoignages sur les traitements psychiatriques infligés aux dissidents ont été présentés aux journalistes occidentaux, aucun n'a accepté de les publier, les considérant comme invraisemblables.
- «Le soutien de l'Occident ne peut qu'aggraver la situation des dissidents en URSS». Or, ceux-là même disent le contraire. : «Et je savais, je comprenais, que seule une lutte courageuse et désintéressée de mes amis et de ceux qui partagent nos opinions dans le pays, ainsi qu'une publicité permanente dans la presse occidentale pouvaient me préserver d'une prolongation de mon temps de détention.» (Vadim Delaunay, poète russe réfugié en France, préface du «Vade Mecum du Voyageur de la Liberté).
- Ou encore «un soutien d'un pays occidental constitue une ingérence dans les affaires intérieures du pays et risquerait d'affecter la détente et les relations internationales.»
- Ou bien selon des clivages politiques souvent arbitraires, on accepte de soutenir tel dissident mais pas tel autre. Ossipov a enfin les faveurs d'une campagne pour sa défense depuis environ deux ans alors qu'il est interné depuis 10 ans ...
- Il ne faut exiger du régime soviétique que des droits ne menaçant pas sa propre existence.
- Il ne faut pas affaiblir le régime en place, sa chute pourrait amener une catastrophe mondiale.
Bref, chacun a de bonnes raisons pour minimiser ou taire la réalité soviétique. Certains de ces arguments furent réfutés par les faits, d'autres persistent encore longtemps.
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LE LIVRE COMME ARME
L'histoire du NTS, c'est aussi l'histoire d'une maison d'édition.
Convaincus dès les premiers jours que le front de la lutte pour la libération ne passe pas par une division artificielle entre diverses catégories de gens mais se trouve au coeur de chaque individu, le NTS s'adresse à tous par ses publications. .
Dès 1945, le NTS construit sa première maison d'édition. Elle s'installe dans le camp de personnes déplacées de Moenchehof en utilisant une ancienne presse sauvée des bombardements. Débuta alors la publication de l'hebdomadaire politique et social «Possev» (les semailles) et du journal littéraire «Grani». En même temps le premier livre édité fut un alphabet cyrillique, pour les milliers d'enfants russes déplacés qui avaient besoin de manuels scolaires élémentaires. Ceci illustre bien les préoccupations multiples du NTS.
Vers 1948, les camps de personnes déplacées disparurent. La maison d'édition «Possev» s'installe alors dans la petite ville de Limbourg, non loin de Francfort sur le Main, puis à Francfort même où il était plus facile de trouver du travail et des écoles pour les familles du personnel. Elle y resta pendant plus de dix ans. Mais en juin 1961 une bombe jettée dans la cour explosa en pleine nuit. L'explosion fut relativement faible, ne causant pas de dégâts sérieux. Mais on comprit vite les raisons de cette opération : les habitants des maisons voisines, le propriétaire des lieux, les compagnies d'assurance reçurent en même temps des lettres anonymes menaçant d'une explosion moins bénigne si «Possev» était autorisé à rester là. Finalement cette affaire fut plutôt bénéfique puisqu'elle hâta la décision d'acheter un terrain afin qu'aucun moyen de pression ne puisse empêcher le travail.
Après avoir trouvé un emplacement dans la banlieue de Francfort, la construction des bâtiments commença. Cette fois encore une petite valise noir contenant une bombe fut découverte sur le chantier par G. Okolovitch. Il la désamorça et la porta à la police.
Malgré ces tentatives, Possev avait publié en 1981, 272 livres et brochures et 120 numéros de «Grani». On trouve parmi les auteurs publiés les meilleurs écrivains russes contemporains édités sans aucune censure : Akhmadoulina, Boulgakov, Bok, Vladimov, Galitch, Grosman, Maximov, Okoudjava, Soljénitsyne ... Furent également édités des mémoires et des articles, une anthologie du samizdat en édition de poche intitulée «La libre parole» qui a dépassé son 40ème numéro. En 1981, Le mensuel «Possev» avait dépassé le numéro 1290, il était diffusé dans 16 pays occidentaux.
Un certain nombre d'éditions spéciales conçues pour une circulation plus facile en Russie sont également éditées. Par exemple le journal «Possev» existe en quatre formats différents :
- un mensuel de base,
- un trimestriel en petit format sur papier fin,
- Le «Micro Possev» sur 4 pages était destiné à être envoyé en URSS par la poste.
- Le journal littéraire «Grani» existait aussi en forme de recueil d'articles sélectionnés «Izbranoe» qui paraîssait deux fois par an, et les lettres aux lecteurs de «Grani» en format «courrier». (Cette dernière publication avait été créée plus spécialement pour les membres de l'union des écrivains lorsque le NTS avait noué des contacts réguliers avec les milieux littéraires).
Le NTS a également publié à divers moments des périodiques destinés à un public particulier. Par exemple dans les années 50, la «Pravda Soldata» (la vérité du soldat) pour les troupes soviétiques d'occupation. Ou encore «Vakhta svobody» (le regard de la liberté), pour les marins des flottes marchande et militaire. Parmi les autres publications, nous citerons «Mysl» (La Pensée), consacrée aux questions philosophiques et politiques, «Nashi Dni» (Nos Jours) pour les problèmes contemporains, «Volia» (Volonté) pour les sujets idéologiques, et «Za Rociou» (pour la Russie», organe interne du mouvement appelé ensuite «Vstretchi» (Rencontres). Des éditions camouflées, imitant des journaux et des brochures soviétiques furent imprimées pour faciliter leurs distributions à l'intérieur même de l'URSS. De nombreux tracts ou petites brochures adaptés à une actualité particulière furent aussi imprimés : comme par exemple lors du soulèvement de Berlin en 53, durant la révolution hongroise en 1956, les luttes en Pologne ou la guerre en Afghanistan .
Au total le NTS publia une centaine de millions de documents de toute nature.
Possev organisait une conférence annuelle. Plusieurs centaines de participants s'y retrouvaient, parmi lesquels des auteurs et des collaborateurs du journal, des membres et des sympathisants du NTS, des représentants des divers groupes russes en exil, et des observateurs occidentaux. Ces conférences duraient généralement deux jours et avaiet lieu à Francfort sur le Main. Certaines se sont tenues à Münich, à Paris ou à Bruxelles. Au cours de ces réunions étaient abordées les questions clés de l'URSS de l'époque, les problèmes de la lutte pour la libération, de l'émigration et des questions de politique internationale.
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CONTRE OFFENSIVE DU REGIME SOVIETIQUE
«Si l'ennemi ne se rend pas» disait Lénine, «il doit être détruit».
La campagne menée par le régime soviétique contre le NTS est aussi vieille que l'organisation elle-même. (cf. le Figaro du 9.4.81). Les méthodes employées ont varié selon les époques, mais le but est toujours demeuré identique : isoler politiquement l'organisation, et la détruire physiquement.
Le NTS est l'ennemi prioritaire numéro un selon une classification établie en 1953 dans les directives données par la police secrète à ses agents. Il le demeurait 15 ans plus tard aux yeux de Y. Andropov. On le constate dans le discours qu'il prononça le 22 décembre 1967, à l'occasion du cinquantenaire de la création de la police secrète.
La lutte menée par le KGB en Union soviétique contre les membres de l'Organisation dépendait de sa capacité à découvrir et à démanteler les réseaux de résistance. Cependant la structure du NTS rend difficile les opérations d'infiltration et n'empêche pas l'organisation de vivre.
Le régime a dirigé alors une partie de ses coups contre le centre de coordination qui se trouve en Occident.
- 1947, Y. Tregoubov, membre du NTS est enlevé à Berlin-Ouest avec l'aide d'E. Klioutchevskaia, agent de la police secrète soviétique. Grâce à sa citoyenneté allemande, il est relâché après avoir passé huit ans dans un camp de travail.
- Eté 1950, tentative manquée d'enlèvement de la femme d'Okolovitch.
- Juin 51, tentative d'enlèvement d'un des chefs opérationnels de Berlin. Des sympathisants du NTS, au sein du Quartier général de l'Administration militaire soviétique (haut commandement des forces d'occupation en Allemagne), avaient pu l'avertir et faire échouer la tentative. Deux agents ont été arrêté avec des armes, des anesthésiants et autres «instruments de travail» en leur possession.
- Eté 51, un agent allemand du NKVD (police secrète soviétique, puis MGB, futur KGB) demande l'asile politique en Occident. A cette occasion il prévient d'un nouveau projet d'enlèvement du chef du NTS à Berlin et permet d'y faire échec.
- Eté 52, le NKVD crée un groupe fictif du NTS à Thuringe. Informée par des sympathisants de Karlskhorst (QG militaire soviétique déjà mentionné plus haut), l'organisation peut écarter le piège.
- Février 54, le capitaine du MGB, N. Khokhlov passe au NTS. Il avait été envoyé avec un groupe d'agents allemands pour assassiner Okolovitch, chef des opérations clandestines du NTS. Avec son aide, le groupe tout entier fut démantelé. Ils avaient en leur possession des armes spéciales munies de silencieux.
- Avril 54, le docteur A. Trouchnovitch, membre du Conseil, est enlevé à Berlin-Ouest avec l'aide de l'agent Gleske. Malgré les protestations du maire de Berlin Ouest, Willy Brandt, et les précisions données par la police sur les circonstances exactes de l'enlèvement, les soviétiques ont toujours nié que le Dr Trouchnovitch se trouvait entre leurs mains. On apprit plus tard qu'il avait été dans un camp spécial pour détenus au secret, sur l'île de Vrangel, dans le grand nord soviétique.
Le diplomate suédois R. Wallenberg y était aussi. Représentant la Croix Rouge en Hongrie durant la dernière guerre, il s'était attaché à sauver la vie des Juifs et avait disparu après l'arrivée de l'Armée Rouge à Budapest, à la fin de la seconde guerre mondiale. Après avoir nié sa présence en URSS, Kroutchev avait finalement déclaré que Wallenberg était mort en 50, or plusieurs années après, des témoins ont affirmé qu'il était encore en vie.
- Juin 54, V. Tremmel, du groupe opérationnel situé en Autriche, est enlevé à Vienne. Un mois auparavant le haut commissaire soviétique, Illychev, avait demandé aux autorités autrichiennes de mettre fin aux activités du NTS dans la zone soviétique «Autrement nous prendrons l'affaire en mains», avait-il déclaré.
- Décembre 55, l'agent Est-Allemand, W. Wildprett est envoyé en Allemagne de l'Ouest pour assassiner V. Poremsky. Mais Wildprett se rend aux autorités fédérales et leur révèle la mission qui lui a été confiée.
- Juin 56, deux officiers du KGB, Dontchenko et Koretsky, se faisant passer pour des marins sympathisants du NTS, essayent en vain de tromper le groupe opérationnel d'Antwerpen et de les attirer à bord d'un navire soviétique. Ils appartenaient à un groupe spécialement créé à Léningrad pour combattre la pénétration du NTS parmi les marins de la Flotte de la Baltique.
- Septembre 57, tentative d'assassinat contre Khokhlov, l'officier du MGB passé au NTS. Du poison radioactif est versé dans son café pendant la Conférence annuelle de la maison d'édition Possev. Emmené d'urgence à l'hôpital, Khokhlov put être sauvé après un mois de traitement intensif.
- Juillet 58, dans la petite ville de Sprenlingen, en Allemagne fédérale, un immeuble abritant plusieurs familles du NTS, et du matériel technique, est soufflé par une explosion. La maison est gravement endommagée. Aucune victime ne fut heureusement à déplorer.
- Juillet 61, une bombe est lancée dans la cour de Possev. Plus tard une autre tentative de faire sauter les bâtiments en construction échoue.
- Du 10 au 13 juin 63, dans la zone entourant la station émettrice de Radio-Russie Libre six bombes explosèrent simultanément. Elles étaient destinées en partie à effrayer les habitants des villages voisins, et à susciter des pressions pour faire évacuer la radio.
Pourtant ces attaques terroristes n'ont pas pu venir à bout du NTS.
- En janvier 75, devant le tribunal de Francfort sur le Main, l'agent soviétique R. Gerlach reconnaît que l'une de ses tâches consistait à découvrir un endroit à l'intérieur de la maison d'édition pour déposer une bombe, en se faisant passer pour un client.
Outre la terreur, les dirigeants soviétiques utilisent d'autres méthodes pour contrecarrer l'action du NTS. On peut noter l'usage de notes diplomatiques de protestation contre les activités du NTS auprès des gouvernements ou des organisations internationales. Avant la visite de dirigeants soviétiques, les autorités de certains pays occidentaux ont reçu des listes de «dangereux terroristes, membres de l'organisation anti-soviétique NTS». Ou bien encore, dans un autre genre, pour discréditer la maison d'édition, de fausses commandes se montant à des millions de marks, sur du faux papier à en-tête «Possev» sont passées, et de fausses factures envoyées à des clients exigeant le paiement de services inexistants.
La campagne de calomnies et de diffamation menée contre le NTS mérite une attention particulière. Pendant des années le NTS fut rarement mentionné dans la presse soviétique. Puis de 1954 à 1960, plus de deux cent articles parurent dans les journaux moscovites et régionaux. Ils présentaient les membres du NTS comme des fascistes, des agents de services secrets étrangers, ou comme des alcooliques, des drogués et des faibles d'esprit, comme des marginaux associaux.
Une nouvelle période suivit au cours de laquelle l'organisation ne fut que rarement mentionnée. Depuis 1968 un thème nouveau apparaît : la propagande officielle et son service de désinformation, dont le rôle est de propager en URSS et en Occident de fausses rumeurs, ont essayé de répandre le bruit que le NTS était infiltré par le KGB.
Puisque les tentatives précédentes de dresser le peuple contre les «alcooliques et les drogués» avaient échoué, il fallait l'effrayer, en inventant des liens entre le NTS et la redoutée police secrète, l'ennemi du peuple russe. Le point de départ de cette nouvelle tactique date de décembre 67 : un «courrier» du NTS est arrêté à Moscou. Un étudiant, Broks-Sokolov, vénézuélien d'origine russe, devait rencontrer un sympathisant du mouvement, E. Goureev, lui remettre des instructions et du matériel d'imprimerie.
Le centre de coordination ignorait alors que ce dernier avait été arrêté peu de temps auparavant. Un piège tendu dans son appartement permettait d'appréhender le «courrier». Au même moment, commençaient les préparatifs du procès de Galanskov, Guinsbourg, Dobrovolsky, et Lashkova (procès célèbre en URSS, qui a donné un nouveau développement au mouvement dissident).
Le KGB avait eu vent des rumeurs de liens existant entre Galanskov et le NTS, sans savoir qu'il était effectivement membre de l'organisation). C'est alors que fut décidé d'utiliser Broks-Sokolov comme témoin à charge contre les dissidents dans ce procès, en faisant croire que c'était lui qui avait apporté les preuves nécessaires à la condamnation des quatre. En réalité, par la structure même de l'organisation, Broks-Sokolov ne savait rien, et ne pouvait rien savoir des liens possibles existant entre le NTS, Galanskov et Dobrovolsky. Quelques pressions psychologiques, la promesse d'une expulsion rapide au lieu de la peine maximum prévue par l'article 70 du code pénal, ont réussi à convaincre Broks-Sokolov de jouer le rôle du traître involontaire. Par cette manoeuvre le KGB réussissait à discréditer le NTS et à diminuer l'influence des quatre dissidents.
Le succès de cette opération incita le KGB à recourir à cette nouvelle arme. L'Organisation serait plus sûrement détruite par ce genre de soupçons que par des accusations d'alcoolisme, d'immoralité, ou de soumission aux «impérialistes». On relèvera que les dirigeants soviétiques s'accomodaient parfaitement des plus flagrantes contradictions dans leur propagande. En réalité, il l'adapte en fonction de la cible visée. Dans un article, le NTS est accusé de «sionisme», dans un autre d'antisémitisme et fascisme. Ailleurs c'est un outil de la guerre froide et un complice des impérialistes, mais également un instrument du KGB avec l'aide duquel le pouvoir compromet certains dissidents. Un journal parle de «diversion idéologique» en mentionnant les millions d'imprimés distribués, un autre discourt plutôt sur les «activités d'espionnage». Certains pamphlets soviétiques affirment que les membres du NTS qui périrent dans les camps d'Hitler étaient en réalité... des informateurs de la Gestapo, etc.
Toutes ces thèses ont parfois trouvé un écho dans certains pays occidentaux. Des articles et même des livres reprirent curieusement ces arguments. La liste des ouvrages abondant ces questions et développant les théories issues du département «D» (chargé en Union Soviétique de la désinformation et de l'intoxication), serait longue et fastidieuse. Nous nous contenterons d'en citer un exemple. Dans un livre intitulé «Dossier néo-nazisme» paru en 1977 aux éditions Ramsay, sous le pseudonyme de Patrice Chairoff, celui-ci consacrait un chapitre aux «associations de réfugiés» et plusieurs pages au NTS, faisant un amalgame odieux entre réfugiés soviétiques et néo-nazisme. Quatre dirigeants du NTS étaient nommément désignés. Ces quatre personnes intentèrent un procès en diffamation. L'affaire fut plaidée par Maître Morette du barreau de Paris et gagnée en février 1980. L'arrêt rendu est extrêmement sévère à l'égard de "Patrice Chairoff" et de son éditeur.
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AU SEUIL DU FUTUR
A partir de la fin des années 70 les événements ont nécessité un changement d'orientation. En effet si depuis environ 15 ans, des hommes politiques occidentaux et certains militants en URSS tablaient encore sur une amélioration progressive du système, les analyses du NTS ne lui permettent pas de croire en une telle éventualité. Il était évident que les hommes en place, ne pourraient tolérer l'idée de la naissance en Union Soviétique d'un régime fondé sur le Droit, un régime qui, en outre, pourrait leur demander des comptes sur leur passif.
Le NTS restait pourtant convaincu de l'importance d'une action tournée vers des concessions partielles. Cela représentait une étape nécessaire qui affaiblissait l'étreinte du régime et consolidait les forces de résistance. Mais le régime ne s'était ni transformé ni adouci ni humanisé. On se souvient de la condamnation de Y. Orlov en 1977 à 12 ans de camp pour avoir pris la tête du «Groupe pour le respect des accords d'Helsinki». En 1978, Loubman est condamné à 15 ans de réclusion pour avoir fait parvenir en Occident un manuscrit. On citera pour mémoire le procès de Chtcharanski et de Guinzbourg et, sur le plan extérieur, les activités soviétiques de déstabilisation de l'Angola et de l'Ethiopie menée par les troupes vassales de Cuba, puis l'invasion de l'Afghanistan par les troupes soviétiques elles-mêmes, sans parler des tentatives, évidentes bien que prudentes, de réhabilitation de Staline.
Cependant la population d'Union soviétique a changé. La résistance non seulement continue mais s'amplifie s'étendant à de nouvelles régions, prête à prendre une tournure chaque jour plus politique. Le début des années 80 verra le NTS oeuvrer pour une réelle information du peuple sur ce qui se passe en Afghanistan et s'interesser de très près aux activités du syndicat polonais "Solidarité". Le NTS y consacrera une bonne partie de ses activités d'édition et saura établir les contacts nécéssaires. Un livre intitulé "Solidarnost" édité par Possev circulera en URSS incitant le peuple russe à tirer des leçons concrètes de l'expérience polonaise.
Le message diffusé sous forme de slogan était " Pour votre liberté, pour la nôtre, pour notre solidarité".
Le régime n'en avait plus pour longtemps.......
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-sources :
-Introduction à un parti de libération russe, Possev, Franfort, 1982.
-Une troisième voie pour la Russie, Ana Pouvreau, l'Harmattan, 1996.
-Histoire des Droites en Russie, Walter Laqueur, Michalon, 1996.