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ΚΡΑΤΗΣΑ ΤΗ ΖΩΗ ΜΟΥ -Α΄ ΓΙΩΡΓΟΣ ΣΕΦΕΡΗΣ: ΕΠΙΦΑΝΙΑ

Publié le par Christocentrix

Κράτησα τη ζωή μου,
κράτησα τη ζωή μου ταξιδεύοντας
ανάμεσα σε κίτρινα δέντρα κατά το πλάγιασμα της βροχής
σε σιωπηλές πλαγιές φορτωμένες με τα φύλλα της οξυάς,
καμμιά φωτιά στην κορυφή τους• βραδυάζει.

Κράτησα τη ζωή μου• στ' αριστερό σου χέρι μια γραμμή
μια χαρακιά στο γόνατό σου, τάχα να υπάρχουν
στην άμμο τού περασμένου καλοκαιριού τάχα
να μένουν εκεί πού φύσηξε ό βοριάς καθώς ακούω
γύρω στην παγωμένη λίμνη την ξένη φωνή.

Τα πρόσωπα πού βλέπω δε ρωτούν, μήτε η γυναίκα
περπατώντας σκυφτή, βυζαίνοντας το παιδί της.

Ανεβαίνω τα βουνά· μελανιασμένες λαγκαδιές• o χιονισμένος
κάμπος, ώς πέρα ο χιονισμένος κάμπος, τίποτε δε ρωτούν,
μήτε o καιρός κλειστός σε βουβά ερμοκκλήσια, μήτε
τα χέρια που απλώνονται για να γυρέψουν, κι οι δρόμοι.

Κράτησα τη ζωή μου ψιθυριστά μέσα στην απέραντη σιωπή,
δεν ξέρω πια να μιλήσω, μήτε να συλλογιστώ• ψίθυροι
σαν την ανάσα του κυπαρισσιού τη νύχτα εκείνη
σαν την ανθρώπινη φωνή της νυχτερινής θάλασσας στα χαλίκια
σαν την ανάμνηση της φωνής σου λέγοντας «ευτυχία».

Κλείνω τα μάτια γυρεύοντας το μυστικό συναπάντημα των νερών
κάτω απ τον πάγο το χαμογέλιο τής θάλασσας τα κλειστά πηγάδια
ψηλαφώντας με τις δικές μου φλέβες τις φλέβες εκείνες πού μου ξεφεύγουν
εκεί πού τελειώνουν τα νερολούλουδα κι αυτός ό άνθρωπος
πού βηματίζει τυφλός πάνω στο χιόνι τής σιωπής.

                                             Georges SEFERIS (1937)

 

La mer en fleurs et les montagnes au décroît de la lune ;

La grande pierre près des figuiers de Barbarie et des asphodèles ;

La cruche qui ne voulait pas tarir à la fin du jour ;

Et le lit clos près des cyprès et tes cheveux

D'or : les étoiles du Cygne et cette étoile, Aldebaran.

J'ai maintenu ma vie, j'ai maintenu ma vie en voyageant

Parmi les arbres jaunes, selon les pentes de la pluie

Sur des versants silencieux, surchargés de feuilles de hêtre.

Pas un seul feu sur les sommets. Le soir tombe.

J'ai maintenu ma vie. Dans ta main gauche, une ligne ;

Une rayure sur ton genou ; peut-être subsistent-elles encore

Sur le sable de l'été passé, peut-être subsistent-elles encore

Là où souffle le vent du Nord tandis qu'autour du lac gelé

J'écoute la voix étrangère.

Les visages que j'aperçois ne me questionnent pas ni la femme

Qui marche, penchée, allaitant son enfant.

Je gravis les montagnes. Vallées enténébrées. La plaine

Enneigée, jusqu'à l'horizon la plaine enneigée. Ils ne questionnent pas

Le temps prisonnier dans les chapelles silencieuses

Ni les mains qui se tendent pour réclamer, ni les chemins.

J'ai maintenu ma vie, en chuchotant dans l'infini silence.

Je ne sais plus parler ni penser. Murmures

Comme le souffle du cyprès, cette nuit-là

Comme la voix humaine de la mer, la nuit, sur les galets,

Comme le souvenir de ta voix disant : « Bonheur ».

Je ferme les yeux, cherchant le lieu secret où les eaux

Se croisent sous la glace, le sourire de la mer et les puits condamnés

À tâtons dans mes propres veines, ces veines qui m'échappent

Là où s'achèvent les nénuphars et cet homme

Qui marche en aveugle sur la neige du silence.

J'ai maintenu ma vie, avec lui, cherchant l'eau qui te frôle,

Lourdes gouttes sur les feuilles vertes, sur ton visage

Dans le jardin désert, gouttes dans le bassin

Stagnant, frappant un cygne mort à l'aile immaculée

Arbres vivants et ton regard arrêté.

Cette route ne finit pas, elle n'a pas de relais, alors que tu cherches

Le souvenir de tes années d'enfance, de ceux qui sont partis,

De ceux qui ont sombré dans le sommeil, dans les tombeaux marins,

Alors que tu veux voir les corps de ceux que tu aimas

S'incliner sous les branches sèches des platanes, là même

Où s'arrêta un rayon de soleil, à vif,

Où un chien sursauta et où ton cœur frémit,

Cette route n'a pas de relais. J'ai maintenu ma vie. La neige

Et l'eau gelée dans les empreintes des chevaux.

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