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quelques extraits d'Henri Béraud....

Publié le par Christocentrix

"Je n'ai jamais pu me prendre au sérieux. Ni moi, ni les autres, ni la vie, ni, j'espère, la mort, quand elle viendra.

Entre tant de choses qui m'ont fait rire, ce qui m'a fait rire plus que tout, ce sont les hommes importants, du haut en bas de l'échelle, depuis les souverains jusqu'aux caporaux, depuis les financiers jusqu'aux concierges. Mais l'heure arrivait où de tels sentiments allaient à jamais passer de mode.

Nous sommes en 1911. Il y a dans l'air cette langueur heureuse des époques où rien ne se passe. On se laisse vivre. Un jour, et le lendemain réfléchit la veille, ainsi qu'un miroir. Le baromètre de l'existence est au beau fixe. Il n'est sujet que de concorde et de fraternité. Dans toutes les villes de France, il y a un Café de la Paix. Au moment de payer l'absinthe, on tire de sa poche une pièce à l'effigie de la Semeuse. Pauvre Semeuse ! Elle semait à contrevent. Car déjà le vent soufflait de l'est et portait un oiseau noir.

Quelques années plus tôt, l'empereur d'Allemagne avait fait un voyage au Maroc. Un grand branle-bas de casernes avait suivi cette nouvelle : " Tout le monde en bas, tenue de guerre ! » Mais l'alerte avait fini par des refrains de caf'-conc'. Or, un matin de l'été 1911, de gros nuages remplirent encore le ciel bleu. Les capitaines d'habillement eurent de nouveau bien du mal. Cette fois encore les choses s'arrangèrent et les collections n° 1 s'en revinrent dormir leur sommeil embaumé de naphtaline.

A tout ce cliquetis, les amis de la paix avaient trouvé une réponse. Ils se promenaient en chantant l'Internationale avec une églantine à la boutonnière. Ainsi faisaient-ils savoir à qui de droit que la guerre ne leur plaisait pas du tout. Néanmoins, ils marchaient au pas, en bons réservistes, et il n'eût pas fait bon leur crier au passage qu'en cas de malheur ils feraient demi-tour.

Pour la plupart des Français, ces bruits de bottes et ces objurgations aux damnés de la terre n'avaient pas le moindre sens. Ils croyaient à la paix, bonnement, parce que, l'ayant trouvée en venant au monde, ils l'avaient toujours connue. Ils se faisaient très bien à l'idée que les choses de leur âge dureraient aussi longtemps qu'eux.".....



..."Mais personne ne voulait rien voir, personne ne sentait rien. La vie était trop belle. Nous le savions. Et nous épuisions avec insouciance une coupe que le vin des jours heureux ne remplirait jamais plus."...



..."Il y a dans la jeunesse un instinct plus fort que la douleur. Un coeur jeune souffre plus durement que les coeurs usés. Il repousse l'idée même de la résignation. Ce qui le frappe est moins l'irrévocable qu'un étonnement mêlé de révolte. Un être jeune croit que tout ce qui l'entoure durera autant que lui, c'est-à-dire toujours. N'est-ce pas là ce qui donne à la jeunesse sa force et ses raisons de lutter ? Aux vieux le souci de leur mémoire et l'amertume de leurs testaments. Un garçon au coeur noble ne tient
pas à sa vie. Il voudrait prolonger celle de son père. Un souffle passe, qui le fait orphelin. Il saigne, il s'abat, il se redresse, il montre le poing au ciel. Va-t-il vivre encore ? Oui. La vie revient qui l'entraîne vers son destin. L'avenir est en lui comme une soif, comme le besoin de respirer. Il croit encore, il espère malgré lui. Il oublie déjà l'avertissement terrible, et il repart sur la route en lacets, sans y chercher des yeux le tournant ou plus tard il s'arrêtera pour mesurer le chemin parcouru."...

 

 

"Je parlais de ces niaiseries avec ce qui reste de ceux qui en furent témoins. Nous étions là deux ou trois, point trop flambards ni trop déjetés, en somme dans l'état qui convient à faire un retour au passé. Nous pensions aux disparus, aux oubliés. Nous nous disions que ce ne sont pas les meilleurs ni les mieux doués qui furent les plus heureux. Puis, secouant ces pensées, nous en vînmes aux anecdotes.

Ce qu'on peut se rappeler de pauvres choses est à peine croyable ! Il faut pour s'en rendre compte une tablée de vieux amis. C'est dans ces occasions qu'on évalue bien la force des premiers souvenirs. Certes, les nôtres avaient subi la double épreuve du temps et de la dispersion. Mais après quarante ans bon poids n'étions-nous pas les mêmes hommes, qui sous leurs cheveux blancs s'amusent des mêmes choses et des mêmes gens qu'au début de leur vie ? Grâce au ciel, nous savions rire encore des fantoches dorés et des crétins nantis. Et si nul d'entre nous n'a fait fortune, du moins notre vieille troupe ne compte-t-elle pas un snob, pas un cuistre, pas un politicien.
Nos actes nous suivent, a-t-on dit. Ne serait-il pas aussi vrai de dire qu'ils nous précèdent ? Un souvenir nous demeurait commun : celui d'une amère et précoce expérience. Aucun de ces hommes, que l'on dit arrivés, ne pouvait oublier le départ de la course. Après quarante ans, mille aventures, les guerres, nos deuils, nos luttes, nos vanités, nos brouilles, nos déceptions - et, pour finir, le trou creusé d'avance que déjà l'on aperçoit - après tout cela, repassant ensemble sur nos pas depuis longtemps effacés, nous retrouvions intactes les contraintes, les humiliations, les révoltes, et nous entendions les cris même de notre adolescence..."

                          Extraits de "Qu'as-tu fait de ta jeunesse" de Henri Béraud, 1941.

 

 

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Mon pays me fait mal (Robert Brasillach)

Publié le par Christocentrix

Mon pays m'a fait mal par ses routes trop pleines,

Par ses enfants jetés sous les aigles de sang,

Par ses soldats tirant dans les déroutes vaines,

Et par le ciel de juin sous le soleil brûlant.


Mon pays m'a fait mal sous les sombres années,

Par les serments jurés que l'on ne tenait pas,

Par son harassement et par sa destinée,

Et par les lourds fardeaux qui pesaient sur ses pas.

 

Mon pays m'a fait mal par tous ses doubles jeux,

Par l'océan ouvert aux noirs vaisseaux chargés,

Par ses marins tombés pour apaiser les dieux,

Par ses liens tranchés d'un ciseau trop léger.


Mon pays m'a fait mal par tous ses exilés,

Par ses cachots trop pleins, par ses enfants perdus,

Ses prisonniers parqués entre les barbelés,

Et tous ceux qui sont loin et qu'on ne connaît plus.


Mon pays m'a fait mal par ses villes en flammes,

Mal sous ses ennemis et mal sous ses alliés,

Mon pays m'a fait mal dans son corps et son âme,

Sous les carcans de fer dont il était lié.


Mon pays m'a fait mal par toute sa jeunesse

Sous des draps étrangers jetée aux quatre vents,

Perdant son jeune sang pour tenir les promesses

Dont ceux qui les faisaient restaient insouciants,


Mon pays m'a fait mal par ses fosses creusées

Par ses fusils levés à l'épaule des frères,

Et par ceux qui comptaient dans leurs mains méprisées

Le prix des reniements au plus juste salaire.


Mon pays m'a fait mal par ses fables d'esclave,

Par ses bourreaux d'hier et par ceux d'aujourd'hui,

Mon pays m'a fait mal par le sang qui le lave,

Mon pays me fait mal. Quand sera-t-il guéri?


18 novembre 1944.


                                         Robert Brasillach, Poèmes de Fresnes, 1944. 

 

Brasillach-2.jpg 

 

 

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qu'as-tu fait de ta jeunesse ? (Henri Béraud)

Publié le par Christocentrix

"L'envie d'écrire ce livre me vînt à Rome le 21 septembre 1935, jour de mes cinquante ans. C'était un beau jour d'automne. Le vent romain, lent et léger, semait sa poussière sur les ruines et la lenteur des siècles semblait s'évaporer dans le charme des jours.

De retour à l'hôtel, je trouvai ma chambre remplie de fleurs. Horace et Adry de Carbuccia ont sans doute oublié ces gerbes de glaïeuls effeuillés par le vent d'Ostie. Ont-ils oublié notre dîner à la villa Borghese, Rome inondée d'or pâle, et le même or coulant avec le frascati dans nos verres ? Pour moi, je n'ai rien oublié. Ce beau soir, ce vin, ces bouquets demeurent présents à celui qui resté seul et penché à sa fenêtre croyait entendre dans le bruit des fontaines la voix de sa jeunesse l'appeler par son nom.
Ainsi fut commencé cet ouvrage. J'écrivis toute la nuit. A l'aube, un chapitre était achevé. Mais le lendemain je dus rentrer à Paris, où des tâches plus rudes m'appelaient. Il s'agissait d'écrire d'une autre encre. On était à la veille des calamités. Ceux qui nous y conduisaient, il fallait les dénoncer. Le devoir était de combattre. Nous avons combattu. Faut-il rappeler ces luttes si proches, tant de vains avertissements, tant d'appels inutiles, tant de cris désespérés ? Disons simplement qu'un citoyen mêlé à de telles vicissitudes eût bien vite oublié ses rêveries d'un soir.

Cinq ans ont passé. Un autre septembre est venu. Seul, dans sa masure au bord de l'Océan, un vieil homme tisonne son feu. Que ferait-il, si dans ces ténèbres il ne cherchait à retenir quelques lueurs du passé ? A cette heure ou tout sombre, n'est-ce pas ce qu'un écrivain solitaire et désoeuvré peut faire de mieux ? Nous, qui vécûmes les beaux jours, nous, trop frivoles témoins d'un temps qui fut peut-être celui du bonheur finissant, aurions-nous le devoir de nous taire ? En aurions-nous même le droit ?

Ceux dont les jours s'achèvent, les plus de cinquante ans, auront vraiment connu deux âges de l'humanité. Depuis un demi-siècle, ils subissent l'insomnie du monde. Mais le film de leur vie, déroulé à rebours, les ramènerait au ralenti dans un très vieux pays, qui fut celui de leurs pères. Un pays où tout allait encore au train de jadis, où chacun vivait selon sa loi, sans souci d'imiter le voisin. Où donc est-il, ce pays ? Où sont tous les pays ? Bientôt sur la terre tout va se ressembler.

Ainsi rêvé-je ce soir, devant les bûches de mon feu, tandis que la mer semble crier vers le ciel et qu'un grand vent courbe les arbres comme des hommes.

Ce récit, où je vais raconter la jeunesse d'un homme, se place entre La Gerbe d'Or, publiée voici douze ans, et Les Derniers beaux jours, long ouvrage auquel je travaille et qui terminera ce portrait d'une génération entre 1885 et 1940.

Fallait-il écrire ces choses en ce moment ? Eût-il fallu les écrire demain ? Laissant courir ma plume, je me demande si ce livre paraîtra jamais. Est-il sage, est-il bon de chercher dans hier un peu d'espoir pour demain ? Beaucoup, parmi ceux de mon temps n'osent pas le croire. Ce n'est pas pour eux que j'écris.

Vais-je prétendre, après tant d'autres, que je m'adresse à nos fils ? Qu'aurais-je à leur dire ? Rien. Ceux de mon âge n'ont rien à dire à la jeunesse, et la jeunesse n'a rien à leur dire. On ne peut qu'échanger des conseils contre des confidences. Indigne, horrible marché, tout à l'avantage des vieux qui, recevant l'or de la vie, ne rendent que les devises crasseuses et démonétisées de leur expérience. Les dieux me préservent de finir ainsi. Ma vie, heureusement, ne me permet pas de me citer en exemple, et mon ignorance aurait plutôt besoin de leçons. Tout ce que je puis, c'est imiter nos anciens qui, chauffant leurs vieilles jambes sur le seuil de leur chaumière, essayaient de se survivre en disant à voix cassée ce qu'ils croyaient avoir vécu.

Comment userions-nous les jours de notre déclin, sinon en offrant à ceux qui viendront le simple récit de ce que nous vécûmes, une image fanée de ce qu'a détruit la folie du monde, un pâle film animant sur l'écran les dernières lueurs d'une époque oubliée?

Ceux-là ne se tromperont point qui trouveront dans ces pages l'écho d'un chant de regret. Un chant mêlé de rires et de larmes. Ainsi va la vie. Ainsi parlent aux hommes les vrais livres, pétris de faiblesse humaine et d'espoirs perdus.

J'écris pour ceux qui ne verront pas ce que j'ai vu. Si plus tard quelque adolescent au coeur simple ouvre mon livre, il saura que je l'ai fait pour lui. C'est à lui que je penserai durant ces nuits où je vais chercher à tâtons mes fantômes. Et quand à mon tour je ne serai qu'une ombre au pays des ombres, il me connaîtra bien mieux que mes compagnons de route, bien mieux que ces vivants aux trois quarts ensevelis qui sont mes contemporains."

                Henri Béraud, préface à son livre "Qu'as-tu fait de ta jeunesse? " (1941)


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les Voyageurs transfigurés (André Fraigneau)

Publié le par Christocentrix

"Ici, l'Odyssée y a notre âge, l'âge de mes voyageurs, vingt ans.....

« Au pied de l'Acrrropole, dirrectement ! »

C'est le vertige, la panique. Nous passons dans les portières nos têtes aveuglées par la vitesse, par nos cheveux refoulés, nous roulons les yeux, nous ouvrons des bouches de poissons qui se débattent. Les autos folles attaquent une rampe noire, droite, vibrante, qui nous tire au ciel. « Ah ! tu vois ? Tu as vu ? -Non ! Oui ! Ah ! »

Ça y est, j'ai reçu le coup de dent, j'ai reçu la pointe ébréchée du fronton, la canine immortelle. Je retombe. Je n'ai rien vu encore. Des murs, un mur plus que les autres et par-dessus... LE COUP DE DENT. Mais ce n'est pas la mort qui m'est annoncée, c'est le premier éclair d'un jour que... J'ai des yeux de fou. Je tourne vers les voyageurs un visage de fou que le soleil qui descend derrière nos autos dans la mer frappe soudain, gifle, barbouille de rouge. Contre moi, à contre-jour, tous les visages noirs, en plein naufrage. Et celui-ci, qui m'a entendu, le plus proche, le plus aimé, le plus sombre, front à front : « Le premier angle. »
Réplique juste, parfaite, après mon interjection imparfaite (le premier éclair d'un jour). C'est l'architecte, l'homme de métier qui vient de recevoir le « coup de Dent ».

Ici commence après la vitesse, la Canine brusque et la débâcle enivrée, cette marche sur pieds d'homme, les uns derrière les autres, et moi, le dernier de la cordée, vers cet Escalier, pour quoi, sous les uniformes et les prétextes d'une ascension moins périlleuse à tout prendre, nous nous étions embarqués.
Alpinistes d'une Cime unique, vierge à force de pas, invisible à force d'éclat, inconnue à force d'histoire, le danger qui serre nos coeurs à les fendre réduit l'importance de tout autre danger de mort.
« Nom de Dieu ! - Merde ! - » Le Silence.
Je ne vois, je ne veux décrire que ces mains ouvertes, ces fronts, ces corps d'hommes dispersés et immobiles, frappés d'éternité sur la neige d'un marbre immortel.

Je ne décrirai pas les angles de la simple Maison élevée par les Grecs à ce Point unique où le jour et tous les dieux du Ciel, mouvants, fusibles, avant de s'annuler, se Nouent et se balancent un moment, à HAUTEUR D'HOMME.
Tout change et l'on n'explique pas sans sacrilège un mystère aussi limpide. Pendant que nous durcissons sur place, un rose animal gagne le marbre, monte aux tempes du Temple. Voici nos statues temporaires face au temple qui rougit, et déjà le sang se perd dans la pierre, nous bronchons sur des paquets de Pentélique. Le Parisien, assis sur un tambour cannelé, reçoit le dernier trait du jour entre les courtes ailes de ses cheveux.
Dès le premier angle qu'il m'a dit sentir, a-t-il reconnu pour sa maison la Maison au seuil de laquelle il balance, un genou entre les mains ? Cette hésitation nous domine comme la Tour oscille sur Paris. Le jeune homme parle :
« On va leur écrire : on ne revient plus... on voudrait bien, seulement, voilà, on ne peut plus... »


Il faut bien descendre. Notre peu de divinité glisse vite de nos épaules comme une poussière de neige ; mais le jeune homme qui balança demeure silencieux un peu plus longtemps que nous.

Une petite place. Deux tables de fer sous des poivriers. On attend la nuit qui est longue à venir. Du temple, on voit encore, par-dessus des murs inutiles, la Dent.
Je la regarde et le Parisien. Il parle, mais confusément et de projets plus graves que lui. Il redescend, comme les autres, mais doucement, par les plus hauts degrés de l'homme. J'aimerais que sur l'un de ces gradins élevés il arrêtât sa marche et s'étendit.
Quelle nuit ! Devant que l'ombre, Athènes reçoit la vague amère des parfums de l'Attique. Nos guides expliquent : les poivriers. Ces arbustes qui effleurent nos joues de la pointe extrême de leurs palmes plus légères que des bouquets de plume, nous en cassons des tiges qui exaspèrent sous nos mains leur odeur. Ainsi, au premier frottement des ombres, la ville s'allume, réveillée à la vie nocturne.
La lune, des ruines romaines dans un bois de poivriers, tout un gigantesque aimable, de grandes colonnes abattues que l'on peut flatter de la main, mille commerces sur des plateaux volants, le truc des cireurs de bottes, cet air qui se boit comme une liqueur inconnue et la grave énergie des parfums, nous conduisent jusqu'aux bords de l'Illissos.....Et des jardins encore, des poivriers, un remue-ménage de chaises, des treilles, une musique confuse, enfin cette terrasse éblouissante, nos derrières sur des fauteuils de paille, et partout, jonchant la table et sous la table, nos têtes, nos bras, nos genoux, rompus de volupté.
Que l'eau de la source Amaroussi est douce ! (douce comme l'air) - Quel voyageur incorrect pouvait prévoir ces aubergines mangées à la cuiller comme des figues ? Depuis les nobles jurons de l'Acropole, les Français n'ont pas échangé vingt mots. À pleines mains, dans des bassins de cuivre, ils égrènent de ces raisins sans pépins qui portent un nom de jeune fille, Stafillia, et dont les rameaux sont chargés d'une fine poudre de glace.

Nos hôtes grecs, charmants, infatigables, parlent toujours. - « Ah ! Parris ! Montmarrrtre ! Les Nénettes ! Les Georgettes ! »
Je fais oui, oui, de la tête, la bouche pleine de givre.....

Tout de même, l'un d'entre-nous résume: « Ce soir on est dieux. »

Mais moi, j'attends la réplique à l'Acropole, le côté Paris du jeune hésitant. Il fume, rejeté dans son fauteuil, l'oeil vague, dans la direction de la Dent cachée par les arbres. Ne l'ai-je pas désiré ainsi, retenu à la cime de lui-même ? Quel souci d'équilibre me fait le tirer par la manche, lui désignant, sortis dessous les branches, ces soldats grecs, deux evzones: « Que pensez-vous de cet uniforme ? »
L'oeil du jeune homme descend de la cime des arbres, regarde les étranges soldats, s'allume d'une lueur bien différente.
« Cet uniforme ? C'est pas sérieux. »  La lippe de Gavroche, une seconde, puis tout le visage remonte avec plus de lenteur et comme malgré lui-même, le long de cette spirale indiquée par la fumée de cigarette, et que, secoué par moi, il a facilement descendu. Il noircit, durcit, rejoint sa noblesse invincible...[...]


... Je me promenai donc à toute heure dans les traces merveilleuses de la première journée.

Je voudrais transmettre de ces exaltations, de ces fatigues solitaires, si vaines, ceci seulement qui me paraît transmissible et les dépasse : plus fortement que le jeu des angles, que les grandes mécaniques de l'architecture, du décor et de la lumière, le marbre grec SE MANGE, le ciel d'Athènes SE BOIT. J'ai manqué à peu près tous les bénéfices de l'esprit, cette satisfaction intellectuelle que j'étais venu chercher. Au pied des seules statues demeurées à leur place, j'ai compris que la sculpture, par exemple, ne comptait pas pour le Grec. Il ne lui demandait que d'être parfaite. Ainsi de toutes les autres manifestations du génie où je suis moins versé.
Mais il n'est pas possible que les Grecs qui ont pétri à grands bras savants tant de prétentions de calculateurs et celles de ces danseurs qu'on leur a toujours préférées, tant de géométrie, de religion, de musique, de marbre, tant de politique, de cannelures, de science des astres et de ventres de chevaux, il n'est pas possible, dis-je, que les Grecs aient mené à bien ce « gâchage » difficile, en tendant vers un autre but suprême que ce GOÛT, que j'ai reçu dans la bouche, cette fluide épaisseur innommable et que je voudrais nommer, cependant, mais bien bas, sans rien trahir: « Ce goût de Voie Lactée. »

Ainsi j'avais cru pouvoir découvrir quelque secret de tragédie ou de nombre, et je recevais, aux parois de ma bouche, une substance comme le pain, le lait ou la joue, une satisfaction animale. Force me fut bien de considérer comme des gênes, des « arrête », les angles, les serpents, les inventions décoratives ou le rébus de la Grèce archaïque, historique, tout ce qui s'apprend peut-être, mais ne se boit pas, ne se touche pas. Et que le jour grec (ce lait de marbre et de ciel) se communiquât spontanément aux Voyageurs incorrects et les comblât en dépit de leurs différences, c'était la découverte de la fraternité par UN AUTRE BOUT DE LA TABLE, à égale distance de la cantine et de la table de communion. Réplique de la nuit fraternelle du Val de Grâce qui, envisagée tout à coup, d'un point du monde aussi lumineux, prend un certain aspect de magie noire."... 

                          extrait de "Les Voyageurs transfigurés", André Fraigneau, 1933.

 

 

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Sparte et Mistra (Camille Mauclair)

Publié le par Christocentrix

"C'est encore une route très dure, mais dans des paysages admirables, évoquant les régions riantes de l'Andalousie, qui franchit les soixante-cinq kilomètres séparant Tripolis de Sparte dans la direction du sud. Cette route passe auprès de Piali, qui, parmi les vignes et les mûriers dont s'enrichit l'Arcadie, est l'ancienne Tégée, au destin changeant. Cette ennemie des Doriens dut leur céder; puis elle suivit la fortune de la Ligue achéenne, et accepta la paix romaine. Alaric la détruisit. Les Byzantins la relevèrent et, sous le nom de Nicli, elle redevint une des villes importantes de la Morée. Les Franks y résidèrent, les Grecs la leur reprirent, et alors elle disparut. Des villages épars, les restes d'un beau temple qu'avait décoré Scopas, occupent, avec la basilique de Paloeo-Episcopi, l'emplacement de ce qui fut Tégée, type de ces cités helléniques qui, proches les unes des autres dans un territoire restreint, ne cessèrent de se jalouser, de s'entredévorer, et ne se liguèrent que trop tard contre de forts usurpateurs, après des rivalités si compliquées que seule l'histoire médiévale italienne a été aussi inextricable. Quand on sort du chaos des montagnes, après le sauvage défilé de Klisoura, non loin de cette Sellasie où, il y a vingt-deux siècles, succomba la dernière armée spartiate, on reste saisi par la brusque apparition de l'énorme, du tragique, du magnifique Taygète aux profondes crevasses bleues, aux cimes de neige étincelante, dominant royalement une des plus belles vallées du monde.

Sparte est au fond de cette vallée, à une lieue de la base de cette chaîne colossale. On l'y aperçoit comme une tache blanche, en descendant par de multiples virages du haut de Klisoura: une paisible agglomération au bord de l'Eurotas, avec des cafés, des garages, des maisons basses et proprettes, de larges rues à angles droits, voilà ce qu'on trouve. Une petite ville de province, sans caractère... Six mille âmes. Dans un gentil jardin public, un musée de quatre salles montrant les inévitables statues romaines, des vases, des masques, des sarcophages, des stèles, des débris, rien d'inédit. Est-ce donc là Sparte? C'est du moins celle que fonda, il y a tout juste un siècle, le roi Othon de Bavière. Elle est administrative, elle produit des soieries, des oranges, de l'huile d'olive et du tabac. Est-ce donc là Sparte?

Il y en a pourtant eu une autre! Il faut aller en chercher, à un quart d'heure, les restes. Ils sont bien misérables. L'emplacement d'une acropole, avec une enceinte faite et refaite aux premiers siècles de notre ère par les Byzantins protégeant contre les Goths ou les Slaves ce qu'ils appelaient encore Lakedemonia, c'est-à-dire « le pays creux », un long portique romain à exèdres; les traces d'un théâtre et de bains romains, un pseudo-tombeau de Léonidas: rien, vraiment. Pas un monument, une émotion, un souvenir. Et, après tout, c'est juste. La tyrannie militaire de ces durs et égoïstes Doriens devait disparaître totalement, laissant un renom de vertus surfaites. Neuf mille conquérants Spartiates, trente mille périèques, descendants des indigènes soumis, admis à se battre mais non à légiférer, et une foule d'Hilotes, esclaves, manants, serfs cultivant et payant fermage, voilà ce qu'était cette féodalité avide, dont la guerre était l'industrie et qui s'était installée au coeur du Péloponnèse, absorbant la Laconie, la Messénie, l'Argolide, jalousant Athènes, parvenant à la vaincre, mais succombant enfin sous les coups répétés des Thébains d'Epaminondas et de la ligue achéenne avec Philopoemèn. Toute la Grèce était lasse de la menaçante brutalité de cette soldatesque aux moeurs grossières, qui n'avait même pas su bâtir une ville, car elle campait dans quelques bourgades éparses sur six coteaux. Elle a écrit avec son sang une page immortelle, il est vrai: la défense désespérée des Thermopyles contre les Perses par Léonidas, avec trois cents guerriers, secondés d'ailleurs par sept cents Thespiens et trois cents Thébains qu'on oublie généralement. Mais elle n'a produit ni un artiste, ni un poète, ni un philosophe. Sa constitution était grossière, sa politique fourbe et cruelle, guidée par la haine et la rapine: une sorte de prussianisme anticipé. Les Romains du début, eux-mêmes, ont été moins féroces et moins bornés. Ni beauté, ni idéal
social: du courage certes, mais celui des tueurs professionnels, des barons pillards du moyen-âge, des corsaires turcs, des reîtres de la guerre de Trente ans, de toutes les bêtes de proie. Puissance mauvaise, qui n'a pas ajouté un trait au visage spirituel de l'Hellade, et dont on a vanté le stoïcisme, aussi bas que fut noble celui de Marc-Aurèle. Sparte a mérité de périr tout entière. Ecrasée à Leuctres, à Mantinée, à Sellasie, par les derniers défenseurs de la liberté grecque, soumise par les Romains, rasée par Alaric, piétinée par les Slaves, relevée par les Byzantins, occupée puis abandonnée par les Franks, ressaisie par Byzance, livrée à Mehemet II, aux Vénitiens, aux Ottomans encore, Sparte est devenue ce que j'ai vu: un nom, et rien d'autre. Un nom sans rayonnement, en dépit de toutes les rhétoriques. Avec Athènes, malgré toutes les fautes de celle-ci, quelle pitié que de songer même à une esquisse de comparaison!

Ces Doriens farouches vivaient en face du Taygète dont la terrible barrière les isolait et les protégeait au point qu'ils ne daignaient pas édifier un rempart. Mais ils vivaient sur un sol paradisiaque, près d'un joli fleuve. Dans les prairies je n'ai pu réussir à évoquer ces athlètes et ces jeunes filles nues qui s'exerçaient avec eux à la course et du lancement du javelot, méprisant les Hilotes labourant au bénéfice de cette sauvage aristocratie. Ici l'imagination reste stérile, on ne peut que jouir de la nature, l'histoire elle-même ne parle plus. Quant à la belle Hélène, comment y songer? A Mycènes, on voit les Atrides. Sur l'emplacement de Sparte, on peut se rappeler l'honnête lourdaud Ménélas, mais non la créature merveilleuse et redoutable qui fascina la Grèce et fit couler tant de sang. En un livre aussi décevant que délicieusement écrit, Barrès, venu en Hellade comme à contre-coeur et ne s'en émouvant guère, semble s'être battu les flancs pour admirer la grossière âme spartiate, et il a modulé en l'honneur d'Hélène quelques-unes de ces cadences où il excellait. Mais si sa rhétorique a charmé mon oreille, elle n'a pas convaincu mon esprit. C'est de l'Hélène du Second Faust que Barrès a parlé. Si elle a été grande et terrible dans son adultère qui détermina un cataclysme, c'est dans Homère et c'est à Troie, dominant les foules qui s'entretuaient pour elle, et se haussant au symbole de la Beauté fatale. Ici, elle n'a été qu'une jolie menteuse enlevée par un bellâtre et, au retour, près du sot mari qui l'avait ramenée dans son lit, une souveraine médiocre, vieillie, s'acheminant dans l'ennui vers la laideur et la mort. Hélène, c'est l'Hélène debout sur les portes Scées. Hélène de Sparte, ce n'est rien. Et Barrès a fait du Taygète une description si éblouissante qu'elle découragerait tout écrivain: mais quand il voit en Sparte « l'un des points du globe où l'on essaya de construire une humanité supérieure », en la réduisant d'ailleurs quelques lignes plus loin à « un élevage, un haras », c'est le haras que je retiens seulement. Sparte ne m'a évoqué ici qu'une sorte d'école de moniteurs militaires, une sélection de tueurs que ne couronne même plus la beauté funeste de la Tyndaride, soeur des brigands Castor et Pollux, et née comme eux de l'oeuf couvé par Léda. Dans toute la Grèce, aucun lieu que j'aie quitté plus froidement et avec moins de regret que celui-ci, où vécurent les ennemis et les jaloux impuissants du génie de l'Hellade.

La traversée, entre Sparte et Mistra, de ce couloir grandiose qui aboutit au golfe de Laconie, est à peine de cinq kilomètres: elle suffit à faire passer d'un monde dans un autre. On parvient à la base même du Taygète, qui, en cet endroit, est creusé de deux failles profondes, des « langadas » emplies d'ombres bleuâtre faisant songer aux magies de Turner. Dans l'une se hérisse ce rocher des Apothètes d'où les Spartiates précipitaient les enfants mal conformés. A l'entrée de l'autre s'étagent sur une butte les ruines de Mistra, précédées d'un hameau moderne, propre, et d'une fontaine où, sous un joli bouquet d'arbres, j'ai vu des femmes savonner leur linge dans un superbe sarcophage antique - un motif pour Panini ou Hubert Robert.

Il y avait déjà trois cents ans que des envahisseurs slaves, des « Esclavons », s'étaient installés dans les défilés du Parnon et du Taygète commandant l'orée de la vallée de l'Eurotas vers Monemvasia et la mer, lorsque survint un nouveau larron, un de ces barons franks qui virent dans les croisades un prétexte pour se tailler des royaumes sur le chemin de Jérusalem. Guillaume de Villehardouin chercha un point stratégique d'où dominer la plaine lacédémonienne, et choisit cette butte de Mézythra que ses soudards francisèrent en Mistra: au sommet, à six cents vingt mètres, il bâtit une citadelle qui semblait imprenable. Il ne l'occupa pourtant pas longtemps. Guerroyant contre les Byzantins de Michel Paléologue, il fut pris, et, las de trois années de geôle, il céda la forteresse et Monemvasia pour sa rançon, ce qui détermina un soulèvement général contre les Franks. Guillaume chercha sa revanche: il l'eut, et les Grecs furent écrasés. Mais lorsque leur vainqueur voulut ressaisir son nid d'aigles, il constata que Paléologue l'occupait solidement, et que sous la protection des massives murailles une petite cité s'était créée. Les habitants de Lakedemonia et de la plaine avaient émigré là, et Guillaume eut beau tenter de repeupler la zone désertée, c'est à cette Mistra nouvelle que les historiens byzantins transférèrent le nom même de ce qui avait été Sparte. Jusqu'au XVè siècle, la cité fut brillante, sous la régence des despotes gouvernant au nom du Basileus : puis vinrent les Turcs, puis, au XVIIè siècle, les Vénitiens, puis les Turcs encore, et l'incendie de 1779 par les Albanais, l'abandon, la fin.

De Villehardouin rien ne demeure, ni de sa forteresse elle-même, car les Grecs et les Ottomans ont, au cours des âges, à peu près entièrement refait ce qu'il avait eu l'audace de jucher là-haut. D'en bas, la silhouette crénelée est bellement romantique: mais si l'on affronte la montée qui est très pénible, par des sentiers qui ne sont que des éboulis de gravats, on est déçu en ne trouvant que les restes informes d'une chapelle dans des décombres. La vue, seule, console des fatigues de l'escalade, et on en jouit autant des pentes inférieures où s'élevait la ville. C'est une des vues les plus splendides de la Grèce, qui en foisonne pourtant, une de celles qui m'ont le plus fasciné avec la Vega grenadine contemplée des terrasses de l'Alhambra, les balcons fleuris de Ravello où Wagner enthousiasmé trouva l'un des décors de Parsifal, et la vallée crétoise de la Messara que dominent les vestiges minoens de Phaestos.

Mistra est suspendue au-dessus de cet immense paysage de montagnes bleues, d'une mer d'oliviers et de lauriers-roses. La suavité, la noblesse du site sont indicibles. Ce que les hommes y ont ajouté est saisissant. Les rues escarpées de cette ville qui compta plus de quarante mille habitants restent nettement dessinées. Elles ne sont plus bordées que de maisons écroulées, de corps de logis hérissés sur un azur divin, faisant songer aux ruines médiévales des Baux. Mais les basiliques, restées à peu près intactes, sont du plus pur, du plus sévère style byzantin. Ici encore, bien que j'évite en ce voyage les souvenirs littéraires, je songe un instant à Barrès, et à l'importance qu'il accorde spécieusement aux barons franks. Elle peut donner à réfléchir et à admirer en Syrie et en Palestine, et elle y a pu séduire l'auteur du Jardin sur l'Oronte. Mais ici! Ces barons n'ont été ni plus ni moins brutaux que les diverses hordes qui ont piétiné l'Hellade. Ils n'ont laissé que des remparts et des souvenirs de soldatesque, de pillage, d'amollissements dans les harems, préfixant les atroces Turcs enfin chassés par les héros de l'Indépendance. Tout différents ont été ces Byzantins méconnus ou calomniés qui, tout en étant chrétiens, restaient des Grecs, avec un savoir, un goût, un raffinement dont les aventuriers franks du genre de Villehardouin étaient bien incapables : et c'est grande illusion que de voir en ceux-ci des importateurs en Morée du génie français, des « chevaliers » au sens vague et magnifié du mot, des « princes d'Achaïe » enjolivés, des mainteneurs de la langue et du génie de la Grèce antique. Ces mainteneurs ne furent pas plus les porteurs d'épées franques que les brandisseurs de cimeterres: ce furent les moines byzantins, travaillant et priant dans des édifices où l'architecture et les fresques ont modifié sans les trahir les disciplines de l'art grec assassiné. La Grèce antique n'est pas morte à la prise de Corinthe : elle a langui sous les Franks, et elle n'est morte que le jour où Mehemet II est entré à Constantinople. Alors seulement s'est créé entre elle et le monde le gouffre que, depuis Navarin, nous essayons de combler, et qui reste encore ouvert, car l'exact réalisme archéologique n'y suffira pas plus que l'idéologie des professeurs ou les parades brillantes et mensongères des humanistes et des artistes de la Renaissance, cet immense opéra. Je n'ai pas vu, en ce voyage, le « miracle grec ». Mais j'y ai senti avec une émotion profonde « le mystère grec » et l'énigme de ses dieux. C'est dans un appel aux plus hautes parties de notre âme d'héritiers méditerranéens que nous devons seulement espérer retrouver, sous le tuf frank, vénitien et turc, la vivante leçon hellénique.

A la vérité, j'ai été déçu par les fresques du monastère de la Peribleptos, de la Métropole et de la Pantanassa. Il se peut qu'elles aient été belles, bien que d'une inspiration et d'une exécution très inférieures à celles des admirables mosaïques de Daphni. Mais elles sont tellement dégradées qu'elles deviennent souvent presque illisibles, et qu'il est inutile d'essayer de s'en émouvoir. Quelques anges, quelques têtes, présentent de l'intérêt. L'ensemble n'est plus qu'un chaos de colorations revêtant les murs d'une patine chaleureuse. Mais ce qui est captivant, c'est l'architecture de ces sanctuaires, c'est, dans la pénombre, la pureté de ces coupoles sur piliers massifs et bas, c'est le mystère et la noble sévérité de ces arceaux, c'est l'atmosphère de foi profonde qu'on y respire. La Pantanassa surtout est un chef-d'oeuvre. Elle est posée au bord d'un promontoire, et de son portique latéral, on jouit d'une vue qui laisse muet d'admiration. Combien ai-je regretté d'y être poursuivi par les importunités d'une vieille nonne criarde, une des rares qui restent encore en ce magnifique asile! Ce n'est qu'à la Métropole que j'ai pu céder au délice de la contemplation du site. En sa cour à arcades, où quelques femmes brodaient en silence, j'ai retrouvé la douceur et la pure quiétude des cloîtres italiens, la suavité franciscaine avec une nuance spéciale de tristesse et d'abandon. 

Ici la religion est morte, il n'en subsiste que le parfum affaibli et dilué. Malgré la multiplicité des sanctuaires grands ou petits, église de la Peribleptos, chapelle de Saint-Georges, Evanghelistria dressée au milieu d'un cimetière, Sainte Sophie, Brontochion, on se sent malgré tout dans une ville de guerre et de luxe : le château-fort et l'énorme ruine du palais du Despote écrasent tout en cette capitale des orgueilleux Paléologues, fils ou frères d'empereurs. Celle qu'on appela si longtemps la merveille de la Morée n'est plus qu'un cadavre de ville au flanc du Taygète : mais quelle beauté sous le soleil, quelle grandeur encore visible, quel fastueux témoignage chrétien, en face de Sparte pulvérisée!"


Camille Mauclair. Extrait du chapitre "les grandeurs mortes" de son livre "le pur visage de la Grèce", 1934. 

 

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le vent à Djémila (l'Algérie de Camus)

Publié le par Christocentrix

Il est des lieux où meurt l'esprit pour que naisse une vérité qui est sa négation même. Lorsque je suis allé à Djémila, il y avait du vent et du soleil, mais c'est une autre histoire. Ce qu'il faut dire d'abord, c'est qu'il y régnait un grand silence lourd et sans fêlure - quelque chose comme l'équilibre d'une balance. Des cris d'oiseaux, le son feutré de la flûte à trois trous, un piétinement de chèvres, des rumeurs venues du ciel, autant de bruits qui faisaient le silence et la désolation de ces lieux. De loin en loin, un claquement sec, un cri aigu, marquaient l'envol d'un oiseau tapi entre des pierres. Chaque chemin suivi, sentiers parmi les restes des maisons, grandes rues dallées sous les colonnes luisantes, forum immense entre l'arc de triomphe et le temple sur une éminence, tout conduit aux ravins qui bornent de toutes parts Djémila, jeu de cartes ouvert sur un ciel sans limites. Et l'on se trouve là, concentré, mis en face des pierres et du silence, à mesure que le jour avance et que les montagnes grandissent en devenant violettes. Mais le vent souffle sur le plateau de Djémila. Dans cette grande confusion du vent et du soleil qui mêle aux ruines la lumière, quelque chose se forge qui donne à l'homme la mesure de son identité avec la solitude et le silence de la ville morte.

Il faut beaucoup de temps pour aller à Djémila. Ce n'est pas une ville où l'on s'arrête et que l'on dépasse. Elle ne mène nulle part et n'ouvre sur aucun pays. C'est un lieu d'où l'on revient. La ville morte est au terme d'une longue route en lacet qui semble la promettre à chacun de ses tournants et paraît d'autant plus longue. Lorsque surgit enfin sur un plateau aux couleurs éteintes, enfoncé entre de hautes montagnes, son squelette jaunâtre comme une forêt d'ossements, Djémila figure alors le symbole de cette leçon d'amour et de patience qui peut seule nous conduire au coeur battant du monde. Là, parmi quelques arbres, de l'herbe sèche, elle se défend de toutes ses montagnes et de toutes ses pierres, contre l'admiration vulgaire, le pittoresque ou les jeux de l'espoir.

Dans cette splendeur aride, nous avions erré toute la journée. Peu à peu, le vent à peine senti au début de l'après-midi, semblait grandir avec les heures et remplir tout le paysage. Il soufflait depuis une trouée entre les montagnes, loin vers l'est, accourait du fond de l'horizon et venait bondir en cascades parmi les pierres et le soleil. Sans arrêt, il sifflait avec force à travers les ruines, tournait dans un cirque de pierres et de terre, baignait les amas de blocs grêlés, entourait chaque colonne de son souffle et venait se répandre en cris incessants sur le forum qui s'ouvrait dans le ciel. Je me sentais claquer au vent comme une mâture. Creusé par le milieu, les yeux brûlés, les lèvres craquantes, ma peau se desséchait jusqu'à ne plus être mienne. Par elle, auparavant, je déchiffrais l'écriture du monde. Il y traçait les signes de sa tendresse ou de sa colère, la réchauffant de son souffle d'été ou la mordant de ses dents de givre. Mais si longuement frotté du vent, secoué depuis plus d'une heure, étourdi de résistance, je perdais conscience du dessin que traçait mon corps. Comme le galet verni par les marées, j'étais poli par le vent, usé jusqu'à l'âme. J'étais un peu de cette force selon laquelle je flottais, puis beaucoup, puis elle enfin, confondant les battements de mon sang et les grands coups sonores de ce coeur partout présent de la nature. Le vent me façonnait à l'image de l'ardente nudité qui m'entourait. Et sa fugitive étreinte me donnait, pierre parmi les pierres, la solitude d'une colonne ou d'un olivier dans le ciel d'été. Ce bain violent de soleil et de vent épuisait toutes mes forces de vie. A peine en moi ce battement d'ailes qui affleure, cette vie qui se plaint, cette faible révolte de l'esprit. Bientôt, répandu aux quatre coins du monde, oublieux, oublié de moi-même, je suis ce vent et dans le vent, ces colonnes et cet arc, ces dalles qui sentent chaud et ces montagnes pâles autour de la ville déserte. Et jamais je n'ai senti, si avant, à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde.

Oui, je suis présent. Et ce qui me frappe à ce moment, c'est que je ne peux aller plus loin. Comme un homme emprisonné à perpétuité -- et tout lui est présent. Mais aussi comme un homme qui sait que demain sera semblable et tous les autres jours. Car pour un homme, prendre conscience de son présent, c'est ne plus rien attendre. S'il est des paysages qui sont des états d'âme, ce sont les plus vulgaires. Et je suivais tout le long de ce pays quelque chose qui n'était pas à moi, mais de lui, comme un goût de la mort qui nous était commun. Entre les colonnes aux ombres maintenant obliques, les inquiétudes fondaient dans l'air comme des oiseaux blessés. Et à leur place, cette lucidité aride. L'inquiétude naît du coeur des vivants. Mais le calme recouvrira ce coeur vivant : voici toute ma clairvoyance. A mesure que la journée avançait, que les bruits et les lumières étouffaient sous les cendres qui descendaient du ciel, abandonné de moi-même, je me sentais sans défense contre les forces lentes qui en moi disaient non.

Peu de gens comprennent qu'il y a un refus qui n'a rien de commun avec le renoncement. Que signifient ici les mots d'avenir, de mieux être, de situation? Que signifie le progrès du coeur: Si je refuse obstinément tous les « plus tard » du monde, c'est qu'il s'agit aussi bien de ne pas renoncer à ma richesse présente. Il ne me plaît pas de croire que la mort ouvre sur une autre vie. Elle est pour moi une porte fermée. Je ne dis pas que c'est un pas qu'il faut franchir : mais que c'est une aventure horrible et sale. Tout ce qu'on me propose s'efforce de décharger l'homme du poids de sa propre vie. Et devant le vol lourd des grands oiseaux dans le ciel de Djémila, c'est justement un certain poids de vie que je réclame et que j'obtiens. Etre entier dans cette passion passive et le reste ne m'appartient plus. J'ai trop de jeunesse en moi pour pouvoir parler de la mort. Mais il me semble que si je le devais, c'est ici que je trouverais le mot exact qui dirait, entre l'horreur et le silence, la certitude consciente d'une mort sans espoir.

On vit avec quelques idées familières. Deux ou trois. Au hasard des mondes et des hommes rencontrés, on les polit, on les transforme. Il faut dix ans pour avoir une idée bien à soi - dont on puisse parler. Naturellement, c'est un peu décourageant. Mais l'homme y gagne une certaine familiarité avec le beau visage du monde. Jusque-là, il le voyait face à face. Il lui faut alors faire un pas de côté pour regarder son profil. Un homme jeune regarde le monde face à face. Il n'a pas eu le temps de polir l'idée de mort ou de néant dont pourtant il a mâché l'horreur. Ce doit être cela la jeunesse, ce dur tête-à-tête avec la mort, cette peur physique de l'animal qui aime le soleil. Contrairement à ce qui se dit, à cet égard du moins, la jeunesse n'a pas d'illusions. Elle n'a eu ni le temps ni la piété de s'en construire. Et je ne sais pourquoi, devant ce paysage raviné, devant ce cri de pierre lugubre et solennel, Djémila, inhumaine dans la chute du soleil, devant cette mort de l'espoir et des couleurs, j'étais sûr qu'arrivés à la fin d'une vie, les hommes dignes de ce nom doivent retrouver ce tête-à-tête, renier les quelques idées qui furent les leurs et recouvrer l'innocence et la vérité qui luit dans le regard des hommes antiques en face de leur destin. Ils regagnent leur jeunesse, mais c'est en étreignant la mort. Rien de plus méprisable à cet égard que la maladie. C'est un remède contre la mort. Elle y prépare. Elle crée un apprentissage dont le premier stade est l'attendrissement sur soi-même. Elle appuie l'homme dans son grand effort qui est de se dérober à la certitude de mourir tout entier. Mais Djémila... et je sens bien alors que le vrai, le seul progrès de la civilisation, celui auquel de temps en temps un homme s'attache, c'est de créer des morts conscientes.

Ce qui m'étonne toujours, alors que nous sommes si prompts à raffiner sur d'autres sujets, c'est la pauvreté de nos idées sur la mort. C'est bien ou c'est mal. J'en ai peur ou je l'appelle (qu'ils disent). Mais cela prouve aussi que tout ce qui est simple nous dépasse. Qu'est-ce que le bleu et que penser du bleu? C'est la même difficulté pour la mort. De la mort et des couleurs, nous ne savons pas discuter. Et pourtant, c'est bien l'important cet homme devant moi, lourd comme la terre, qui préfigure mon avenir. Mais puis-je y penser vraiment? Je me dis : je dois mourir, mais ceci ne veut rien dire, puisque je n'arrive pas à le croire et que je ne puis avoir que l'expérience de la mort des autres. J'ai vu des gens mourir. Surtout, j'ai vu des chiens mourir. C'est de les toucher qui me bouleversait. Je pense alors : fleurs, sourires, désirs de femme, et je comprends que toute mon horreur de mourir tient dans ma jalousie de vivre. Je suis jaloux de ceux qui vivront et pour qui fleurs et désirs de femme auront tout leur sens de chair et de sang. Je suis envieux, parce que j'aime trop la vie pour ne pas être égoïste. Que m'importe l'éternité. On peut être là, couché un jour, s'entendre dire : « Vous êtes fort et je vous dois d'être sincère : je peux vous dire que vous allez mourir »; être là, avec toute sa vie entre les mains, toute sa peur aux entrailles et un regard idiot. Que signifie le reste : des flots de sang viennent battre à mes tempes et il me semble que j'écraserais tout autour de moi.

Mais les hommes meurent malgré eux, malgré leurs décors. On leur dit : " Quand tu seras guéri...", et ils meurent. Je ne veux pas de cela. Car s'il y a des jours où la nature ment, il y a des jours où elle dit vrai. Djémila dit vrai ce soir, et avec quelle tristesse et insistante beauté! Pour moi, devant ce monde, je ne veux pas mentir ni qu'on me mente. Je veux porter ma lucidité jusqu'au bout et regarder ma fin avec toute la profusion de ma jalousie et de mon horreur. C'est dans la mesure où je me sépare du monde que j'ai peur de la mort, dans la mesure où je m'attache au sort des hommes qui vivent, au lieu de contempler le ciel qui dure. Créer des morts conscientes, c'est diminuer la distance qui nous sépare du monde, et entrer sans joie dans l'accomplissement, conscient des images exaltantes d'un monde à jamais perdu. Et le chant triste des collines de Djémila m'enfonce plus avant dans l'âme l'amertume de cet enseignement.



Vers le soir, nous gravissions les pentes qui mènent au village et, revenus sur nos pas, nous écoutions des explications :« Ici se trouve la ville païenne; ce quartier qui se pousse hors des terres, c'est celui des chrétiens. Plus tard... » Oui, c'est vrai. Des hommes et des sociétés se sont succédé là; des conquérants ont marqué ce pays avec leur civilisation de sous-officiers. Ils se faisaient une idée basse et ridicule de la grandeur et mesuraient celle de leur Empire à la surface qu'il couvrait. Le miracle, c'est que les ruines de leur civilisation soient la négation même de leur idéal. Car cette ville squelette, vue de si haut dans le soir finissant et dans les vols blancs des pigeons autour de l'arc de triomphe, n'inscrivait pas sur le ciel les signes de la conquête et de l'ambition. Le monde finit toujours par vaincre l'histoire. Ce grand cri de pierre que Djémila jette entre les montagnes, le ciel et le silence, j'en sais bien la poésie : lucidité, indifférence, les vrais signes du désespoir ou de la beauté. Le coeur se serre devant cette grandeur que nous quittons déjà. Djémila reste derrière nous avec l'eau triste de son ciel, un chant d'oiseau qui vient de l'autre côté du plateau, de soudains et brefs ruissellements de chèvres sur les flancs des collines et, dans le crépuscule détendu et sonore, le visage vivant d'un dieu à cornes au fronton d'un autel.


                                                                                        Albert Camus 

 

 

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Salomi-Η Σαλώμη

Publié le par Christocentrix


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retour du Magne (Mani-Péloponnèse)

Publié le par Christocentrix

Motivé par la lecture du livre de Leigh Fermor (Mani, Voyages dans le sud du Péloponnèse) je voulais, livre en main, cinquante ans après, marcher dans quelques uns de ses pas.....

Je reviens enchanté par cette région sauvage ou tout est grandiose... abstraction faite de l'inévitable trace du monde moderne, le puissant particularisme du Magne demeure... ses tours et villages fortifiés, ses monts pelés, ses falaises vertigineuses et flamboyantes au coucher du soleil et qui plongent au Cap Matapan aux portes de l'Hadès...
Région peuplée par les Nykliens d'Arcadie ( Nykli... colonie Spartiate d'Amoulki,  passa un temps sous le joug de la conquête franque et  devint le siège d'une puissante baronnie...Villehardouin et les princes francs de la Morée.....), assez de temps nous dit Fermor pour quelle soit peuplée d'hybrides issus de sang grec et de sang franc (les Gasmouli), aristocratie féodale chez qui parfois la langue et la religion franque dominaient. Après le déclin du pouvoir franc, les Nykliens franchirent le Taygète et vinrent peupler le Magne, reconstituant le système de domination, jusqu'à l'architecture, sur les hauteurs, restant séparés de la plèbe.... Puis vint le temps de la domination vénitienne puis gênoise, qui possedait aussi la Corse... et où vinrent en 1675 s'établirent (Paomia, Revinda, Sagone) 730 Maniotes originaires du golfe d'Itylo....se maintenant sans jamais se mélanger aux Corses. Quand la Corse passa à la France en 1768, certains émigrèrent mais la plupart restèrent; certains s'établirent à Cargèse.... Encore surnommés "les grecs", ils sont aujourd'hui minoritaires à Cargèse... à cause du fait suivant : après la conquête de l'Algérie, beaucoup partirent s'y établirent, jusqu'au petit bled de Sidi Merouane, près de Constantina. Ils étaient trois cent en 1900. De là, avec le temps, ils se répartirent dans toute l'Algérie française, peu à peu fusionnant dans le grand brassage "pied-noir". Aujourd'hui la petite église grecque de Sidi Merouan est fermée pour toujours. Ce fut la dernière aventure de ces descendants des anciens Spartiates et des grands guerriers du Magne. (voir http://fr.geneawiki.com/index.php/Alg%C3%A9rie_-_Sidi-Merouane )

Mais une autre spécialité du Magne reste les "miroloyia" (mots du destin).

La poésie populaire est partout présente en Grèce. On la chante sans cesse et il en existe un genre pour chaque occasion (la naissance, la mort, le mariage, les fêtes religieuses, l'accueil des invités, le fait de boire, le pacage des moutons). Elles varient selon les régions : ballades klephtes de Roumélie et de Morée, amanès oriental, mantinadas aux rimes improvisées de Crète accompagnées à la lyre, cantadas romantiques et italianisantes des îles Ioniennes, chantées au son des guitares et des mandolines. On pourrait en établir une longue liste. Elles ont pour point commun d'être pratiquement toutes composées en vers de quinze syllabes avec, parfois, des distiques rimés. À la lecture, leur métrique peut paraître un peu monotone mais quand on les chante avec leur césure particulière, leurs hémistiches répétés, leurs modulations longuement étirées, leurs exclamations gutturales et leurs interjections, elles sont pleines de vie et de variété. Elles accompagnent fréquemment les danses rustiques grecques.

Mais dans ce domaine aussi le Magne se distingue. On y danse peu, et celui qui entreprendrait un mémoire sur l'origine des Maniotes pourrait à bon droit prétendre (nous dit Fermor) "que l'absence chez eux de poésie populaire est une héritage par défaut, un legs négatif de l'ignorante Lacédémone et de son hostilité aux Muses. Bien-sûr, cette généralisation ne correspond pas tout à fait à la réalité. Il existe bien dans le Magne une forme de poésie populaire, qui depuis l'Antiquité, a totalement disparu des autres régions. Elle est si singulière et si remarquable, si représentative des sombres traditions de la péninsule, que celà compense largement l'absence d'autres variétés de poésie populaire. Les "miroloyia", chants funèbres métriques du Magne, sont un phénomène isolé."
Il s'agit bien là du vieux tétramètre ïambique acalectique.....

Ces chants funèbres improvisés, qui sont de véritables poèmes, de longs hymnes, respectent une stricte métrique. Leur particularité vient de la forme utilisée, qui est unique en Grèce. La séquence de quinze pieds, que l'on retrouve dans toute la poésie grecque, est remplacée ici par une série de seize pieds, et cette syllabe supplémentaire change l'aspect du vers. On les improvise autour de la tombe. Il semble que les femmes maniotes jouissent d'une grande facilité d'improvisation. Bien-sûr, à l'exemple des épithètes et des formules toutes faites qui parsèment l'Odyssée, certaines expressions reviennent régulièrement et permettent ainsi de disposer du temps nécéssaire à l'invention des vers suivants.
"Si l'on considère les similitudes entre les miroloyia et certains thèmes de la littérature grecque de l'Antiquité (en particulier la lamentation d'Andromaque sur le corps d'Hector), si l'on tient compte du fait que cette région est demeurée païenne plus de six siècles après Constantin, et si l'on note enfin que ce type de poésie n'existe que dans le Magne, il est tentant de conclure qu'ici encore on se trouve en présence d'un legs direct de la Grèce antique, d'une coutume qui a peut-être ses racines avant le siège de Troie." (Leigh Fermor)
A l'exception de quelques fragments disjoints, les pleureuses sont incapables de se rappeler ce qu'elles ont chanté. Mais lorsque le chant funèbre était remarquable, les gens de l'assistance en rassemblaient les éléments. C'est de cette manière qu'un grand nombre ont pu être repris et diffusés.  Il existe aujourd'hui des anthologies imprimées de ce que pendant des générations, des femmes entonnaient en filant, tissant ou en pressant les olives. Nombre de ces recueils de "miroloyia" sont d'une haute valeur poétique, et il y en a constamment de nouveaux.











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